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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 157

Le mardi 7 novembre 2023
L’honorable Raymonde Gagné, Présidente


LE SÉNAT

Le mardi 7 novembre 2023

La séance est ouverte à 14 heures, la Présidente étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

Les travaux du Sénat

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, il y a eu des consultations, et il a été convenu de permettre la présence d’un photographe dans la salle du Sénat pour photographier la présentation d’un nouveau sénateur aujourd’hui.

Êtes-vous d’accord, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

[Français]

Nouveau sénateur

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur d’informer le Sénat que le greffier du Sénat a reçu du registraire général du Canada le certificat établissant que Rodger Cuzner a été appelé au Sénat.

[Traduction]

Présentation

Son Honneur la Présidente informe le Sénat que le sénateur attend à la porte pour être présenté.

L’honorable sénateur suivant est présenté, puis remet les brefs de Sa Majesté l’appelant au Sénat. Le sénateur, en présence du greffier du Sénat, fait la déclaration solennelle et prend son siège.

L’honorable Rodger Cuzner, de Cap-Breton, en Nouvelle-Écosse, présenté par l’honorable Marc Gold, c.p., et l’honorable Hassan Yussuff.

Son Honneur la Présidente informe le Sénat que l’honorable sénateur susmentionné a fait et signé la déclaration des qualifications exigées prescrite par la Loi constitutionnelle de 1867, en présence du greffier du Sénat, commissaire chargé de recevoir et d’attester cette déclaration.

Félicitations à l’occasion de sa nomination

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, au nom du bureau du représentant du gouvernement, j’aimerais souhaiter la bienvenue à Rodger Cuzner à titre de nouveau membre de la Chambre rouge. Le sénateur Cuzner est un parlementaire expérimenté et un diplomate qui, plus récemment, a représenté le Canada à titre de consul général à Boston.

Fier fils de la Nouvelle-Écosse, le sénateur Cuzner a travaillé sans relâche avec l’industrie et les entreprises pour promouvoir le secteur du tourisme dans sa province. Il est également un fervent amateur de hockey et a été entraîneur de l’équipe de Nouvelle‑Écosse aux Jeux du Canada.

Maintenant, sans vouloir mettre trop de pression sur ses épaules, j’aimerais signaler, chers collègues, que le sénateur Cuzner a été nommé deux fois le député à l’esprit le plus collégial par ses collègues. J’espère que sa bonne humeur est contagieuse et qu’elle déteindra sur nous tous, à l’approche d’une saison chargée et quelque peu mouvementée.

Sénateur Cuzner, je sais que votre expérience en tant que parlementaire et défenseur de votre région apportera beaucoup au Sénat. Je vous souhaite la bienvenue.

(1410)

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, au nom de l’opposition et du caucus conservateur du Sénat, c’est avec plaisir que je prends la parole en ce lieu pour souhaiter la bienvenue à notre nouveau collègue, un parlementaire libéral de longue date, l’honorable Rodger Cuzner de la Nouvelle-Écosse.

Sénateur, je suis vraiment heureux de vous accueillir chaleureusement au Sénat du Canada. J’envisage avec plaisir nos futurs débats politiques entre ces murs.

Je suis également heureux de constater que le premier ministre Trudeau a retiré la feuille de vigne qui couvrait ses nominations au Sénat et qu’il nomme maintenant ouvertement des partisans libéraux à la Chambre haute.

Les Canadiens ne croient pas le premier ministre Trudeau lorsqu’il leur dit que son processus de nomination est meilleur que celui de ses prédécesseurs. En effet, au bout du compte, peu importe le processus utilisé et le nombre de candidats soumis — que la liste contienne 50 noms ou qu’elle en contienne trois —, c’est le premier ministre qui décide qui sera nommé. Après huit années au pouvoir, le seul réel changement dans le processus de sélection du premier ministre Trudeau, c’est qu’il coûte maintenant plus cher aux Canadiens.

Sénateur Cuzner, vous êtes un politicien aguerri et votre expérience illustre votre détermination à servir votre pays et à en faire un meilleur endroit où vivre. Je tiens à souligner que même si nous venons de deux partis politiques différents, lorsque les sénateurs sont sincères au sujet de leur alliance politique, leurs amitiés sont honnêtes.

J’ai hâte d’apprendre à mieux vous connaître. Sénateur Cuzner, comme l’a souligné le sénateur Gold — même s’il s’est trompé de nom —, vous avez été élu à deux reprises comme le député à l’esprit le plus collégial par vos collègues et vous avez également été décrit par le magazine Macleans comme « le sens de l’humour du Parlement ».

Vous êtes, monsieur, un excellent ajout à la famille du Sénat.

Les Canadiens se tournent de plus en plus vers le Sénat pour qu’il leur donne de l’espoir — l’espoir que leurs voix soient entendues et que la grave crise de l’abordabilité soit une priorité pour tous les parlementaires.

Sénateur Cuzner, les Canadiens des quatre coins de notre magnifique pays ont besoin d’être rassurés en ce moment et ils ont besoin de voir qu’on fait preuve de bon sens à Ottawa. Ils doivent avoir la certitude que les parlementaires font leur devoir et défendent les intérêts de la population. Je suis fier de faire partie de l’équipe conservatrice qui vise à faire cela.

Sénateur Cuzner, soyez assuré que les conservateurs ont hâte de collaborer avec vous pour améliorer la vie de tous les Canadiens.

Au nom de l’opposition et du caucus conservateur, je vous souhaite la plus cordiale bienvenue au Sénat du Canada.

[Français]

L’honorable Raymonde Saint-Germain : Chers collègues, honorable sénateur Cuzner, j’ai le plaisir de vous accueillir aujourd’hui comme nouveau collègue, vous qui avez fièrement servi vos concitoyens du Cap-Breton à l’autre endroit de 2000 à 2019.

Une longévité impressionnante en politique et d’autant plus exceptionnelle puisque vous aviez même reçu presque 75 % du vote lors de votre dernière campagne électorale. Je suis heureuse de vous voir aujourd’hui poursuivre votre engagement au service de votre communauté et de notre pays au Sénat du Canada.

[Traduction]

Le sénateur Cuzner a été secrétaire parlementaire, puis il a occupé de nombreux autres postes importants à titre de parlementaire à la Chambre des communes.

Avant de reprendre du service auprès de la population aujourd’hui en qualité de sénateur, vous avez évolué dans le secteur diplomatique où vous avez été consul général du Canada en Nouvelle-Angleterre, fonction très importante sur le plan stratégique. Cette expérience vous servira également parce que la diplomatie est une qualité toujours appréciée au Sénat du Canada.

Plus que toute autre chose, je crois que votre expérience parlementaire à l’autre endroit dynamisera les échanges dans cette enceinte. Le Sénat modernisé est fier de la diversité des origines et des antécédents professionnels de ses membres et, encore une fois, je conviens, à l’instar du sénateur Plett, de la pertinence de votre nomination, mais pour des raisons différentes.

J’estime que les sénateurs ne devraient pas être pénalisés pour avoir occupé des fonctions de représentant élu. Au contraire, j’estime qu’une telle expérience politique peut être utile au Sénat dont le rôle est complémentaire à celui de la Chambre élue. Je me réjouis de pouvoir compter sur votre expérience et votre sagesse en tant qu’ancien député fédéral. À ce titre, vous ajouterez votre voix et votre perspective à celles des 15 autres sénateurs qui sont d’anciens représentants élus, soit aux niveaux fédéral, provincial, territorial, municipal ou communautaire. Je précise que ces 15 sénateurs sont membres des divers caucus et groupes qui existent au Sénat.

Vous remarquerez toutefois que notre style de débat diffère de celui de la Chambre des communes. Comme vous le savez, le Sénat est une Chambre de second examen objectif, une entité complémentaire moins partisane à la Chambre élue. Je vous souhaite de vous adapter aisément à votre nouveau rôle.

Sénateur Cuzner, en mon nom personnel et en celui de tous les membres du Groupe des sénateurs indépendants, je vous souhaite une chaleureuse bienvenue au Sénat du Canada. Nous sommes impatients de travailler avec vous. Merci, meegwetch.

Des voix : Bravo!

L’honorable Scott Tannas : Honorables sénateurs, je suis heureux de prendre la parole au nom du Groupe des sénateurs canadiens pour souhaiter au sénateur Cuzner la bienvenue au Sénat du Canada. Comme d’autres l’ont mentionné, vous n’êtes pas étranger à la Colline du Parlement. Nous sommes impatients de travailler avec vous.

Avec l’annonce, la semaine dernière, de la nomination de cinq nouveaux sénateurs du Canada atlantique, ce sont désormais 1 000 personnes qui ont été nommées au Sénat au cours des 155 dernières années — depuis 1867. C’est un jalon remarquable auquel nous devrions tous réfléchir. Depuis la Confédération, 1 000 personnes provenant des quatre coins du pays ont été appelées à siéger au Sénat.

Fait intéressant, un peu plus de 300 de ces 1 000 personnes nommées au Sénat ont également été des députés à la Chambre des communes, mais cela faisait plus de dix ans qu’un ancien député n’avait pas été nommé sénateur.

Je pense que la nomination d’un parlementaire d’expérience à ce poste est un atout, et c’est une tradition qui, lorsque son usage est équilibré, doit être accueillie favorablement. Un Sénat véritablement indépendant accueille des Canadiens de tous horizons politiques, car la diversité des idées et des expériences est essentielle à notre devoir de représenter les régions distinctes et les groupes minoritaires du Canada.

Sénateur Cuzner, nous avons hâte de travailler avec vous et de vous voir appliquer votre affabilité bien connue et vos connaissances uniques de parlementaire chevronné à votre travail de sénateur indépendant de la Nouvelle-Écosse. Encore une fois, bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

L’honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, je suis ravie de me joindre aux autres leaders aujourd’hui pour souhaiter la bienvenue à un nouveau sénateur, un compatriote de Cap-Breton et un ancien collègue avec qui j’ai eu le plaisir de travailler pendant un certain nombre d’années pour les gens de la Nouvelle-Écosse.

Sénateur Cuzner — il me faudra m’habituer à ce nouveau titre, mais je m’en réjouis —, au nom du Groupe progressiste du Sénat, je souligne qu’il est merveilleux que vous continuiez à servir le public alors que nous vous accueillons à la Chambre haute.

Je pense que nous sommes tous au courant de la longue carrière du sénateur Cuzner en tant que député, et je remercie le sénateur Gold d’avoir parlé de ces moments forts. J’ose dire que nous savons tous aussi qu’il est un ardent partisan des Maple Leafs de Toronto, son équipe de prédilection. Nous le lui pardonnerons étant donné qu’il est déjà assez difficile de soutenir cette équipe depuis longtemps. Cette année sera peut-être la bonne, sénateur Cuzner. L’espoir fait vivre.

Le sénateur Cuzner est connu avant tout pour son sens de l’humour, son esprit vif et son bon tempérament. Comme d’autres l’ont dit, ses collègues à l’autre endroit étaient certainement de cet avis : ils lui ont accordé le titre de député à l’esprit le plus collégial à deux reprises. Je n’ai aucun doute que vous vous forgerez une réputation semblable au Sénat.

Dans votre discours d’adieu à l’autre endroit, vous avez certainement démontré vos aptitudes à raconter une excellente anecdote. En fait, vous en avez raconté plusieurs. Vous avez rappelé à vos collègues : « J’ai pris mes responsabilités au sérieux, mais je ne me suis jamais pris au sérieux. » Cela dit, je vais faire de mon mieux pour raconter une de mes anecdotes préférées : l’histoire d’un sauvetage.

Cette histoire remonte à 2009. Deux députés de la Nouvelle‑Écosse, qui étaient également colocataires, rentraient chez eux un mercredi soir lorsqu’ils ont remarqué quelque chose d’inhabituel. Était-ce un chien? Non. C’était un castor, debout sur ses pattes arrière, au beau milieu de la rue Sparks. Évidemment, le sénateur Cuzner et Mark Eyking ne pouvaient pas abandonner ce magnifique symbole de notre pays. Ainsi, n’ayant pas réussi à obtenir de l’aide des services d’urgence, ils ont décidé de relever le défi eux-mêmes.

(1420)

Il a fallu environ une heure de manœuvres prudentes et d’arrêt de la circulation, mais ils ont finalement réussi à ramener le pauvre castor jusqu’à la rivière des Outaouais. Un peu comme quiconque a passé du temps de qualité avec ces deux gentilshommes, le castor a quitté ses nouveaux amis à contrecœur. Néanmoins, d’un dernier coup de queue sur l’eau, il est parti. J’adore cette anecdote, car non seulement je ris chaque fois que je pense aux deux hommes essayant d’amener un castor à les suivre dans le centre-ville d’Ottawa en l’amadouant, mais j’ai également le sentiment que la situation dépeint parfaitement le sénateur Cuzner : toujours prêt à rendre service, toujours partant pour trouver des solutions et toujours capable de s’entendre avec tout le monde, même les créatures sauvages.

Sénateur Cuzner, j’espère que vous me pardonnerez, mais j’aimerais vous citer à nouveau. Vous avez déjà déclaré :

[...] je mesure la réussite par l’amélioration du sort des Canadiens. Lorsque nous nous mobilisons tous pour tenter de faire ce qui s’impose, alors cela devient possible.

Rodger, vous avez consacré votre carrière à améliorer le sort des Canadiens, et particulièrement des Néo-Écossais, qui sont bien chanceux que vous ayez accepté de continuer de les servir dans ces nouvelles fonctions.

Je suis heureuse de vous souhaiter officiellement la bienvenue au Sénat du Canada au nom du Groupe progressiste du Sénat. Nous sommes impatients de travailler avec vous, sénateur Cuzner.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Lynn Cuzner, épouse du sénateur Cuzner. Elle est accompagnée d’autres invités du sénateur Cuzner.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Le tournoi de curling BrokerLink-OVCA Junior SuperSpiel

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour vous raconter le chapitre 7 de l’épopée de curling de l’équipe Plett. Toutefois, avant d’aller plus loin, j’aimerais remercier toutes les personnes dans cette enceinte pour le soutien et la gentillesse remarquables dont vous avez fait preuve envers l’équipe Plett, jeudi dernier.

J’ai été personnellement touché par vos gestes et j’aimerais vous dire que les membres de l’équipe Plett garderont précieusement en souvenir l’accueil chaleureux que vous leur avez réservé.

Chers collègues, j’ai en main une note rédigée à votre intention par l’équipe. Voici ce qu’on peut y lire :

Cher sénateur Plett/grand-papa,

Merci du fond du cœur d’avoir permis à mon équipe de vivre cette expérience incroyable. Nous avons été ravies de rencontrer tout le monde et de visiter un endroit aussi génial.

Merci aussi aux membres du personnel qui nous ont offert leur appui et fait visiter les lieux.

Je tiens aussi à te remercier pour ton discours extraordinaire et touchant à propos de l’équipe. Nous avons eu beaucoup de plaisir tout au long de l’événement, qui restera à jamais gravé dans notre mémoire.

Affectueusement, Myla, Alyssa, Chloe et Allie

Chers collègues, je remercie également chacun d’entre vous pour tout ce qu’il a fait afin que, jeudi dernier, l’équipe Plett vive une expérience aussi extraordinaire. L’équipe a été accueillie chaleureusement de nombreuses façons : je pense notamment à la présentation de l’équipe par la Présidente, au moment où le sénateur Cotter a parlé de leurs réalisations au curling et à l’ovation debout que vous leur avez réservée au Sénat. Par la suite, Greg Peters, l’huissier du bâton noir, a remis un médaillon à chaque membre de l’équipe. Toutefois, votre accueil exceptionnel ne s’est pas arrêté là. Chers collègues, laissez-moi vous dire que, lorsque les filles sont entrées dans la salle de conférence du troisième étage et qu’elles vous ont vus debout le long du mur prêts à les accueillir, elles ont été étonnées et stupéfaites. Elles ne s’attendaient pas à un accueil aussi chaleureux et elles n’avaient jamais pensé que nous serions tous réunis de la sorte.

Chers collègues, votre soutien ne s’est pas arrêté là non plus. Vous avez été nombreux à les regarder jouer au curling en ligne pendant la fin de semaine. Certains d’entre vous ont même assisté à un match en personne, et d’autres ont enregistré des messages vidéo de soutien.

C’est très amusant lorsque nous — moi et d’autres sénateurs — pouvons trouver des occasions où nous arrivons à mettre de côté la partisanerie et à célébrer quelque chose que nous aimons faire ensemble.

Oui, chers collègues, l’équipe Plett était à Ottawa pour jouer au curling, ce qu’elle a fait admirablement bien, étant donné qu’elle est maintenant championne du Superspiel junior d’Ottawa de 2023. Elle a une fiche de 6 victoires et de 0 défaite dans sa quête continue de l’excellence.

Après l’incroyable accueil que les joueuses ont reçu au Sénat la semaine dernière, je pense qu’il est juste de dire que nous leur souhaitons tous bonne chance alors qu’elles continuent de voyager et de représenter le Canada, peu importe où leur parcours de curling les mènera par la suite.

En terminant, j’ajouterai que je suis fier que ces joueuses représentent le Canada d’une manière aussi professionnelle.

Félicitations à l’équipe Plett!

Des voix : Bravo!

[Français]

Les pertes d’emplois à TVA

L’honorable Julie Miville-Dechêne : Le Québec a vécu, jeudi dernier, une catastrophe médiatique lorsque le Groupe TVA a annoncé le licenciement de 547 employés, soit près du tiers de ses effectifs. Il s’agit de la télé la plus écoutée chez nous, davantage que Radio-Canada.

C’est un drame pour tous ceux qui perdent leur emploi, mais c’est aussi tout un pan de l’information régionale qui s’écroule au Saguenay—Lac-Saint-Jean, en Estrie, en Mauricie, dans le Bas-du-Fleuve, en Gaspésie et sur la Côte-Nord.

TVA dit vouloir protéger l’information régionale en gardant trois ou quatre journalistes à Saguenay, Trois-Rivières, Sherbrooke et Rimouski. Cela lui permettra aussi de respecter minimalement les conditions qui lui sont imposées par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes et qui concernent l’information régionale.

Dans chacune de ces quatre villes, les stations de TVA qui comptaient au moins une trentaine d’employés vont disparaître. Les bulletins de fin de journée destinés à ces régions seront produits en chaîne à Québec; un produit édulcoré donc, sans couleur locale. On peut difficilement imaginer comment trois journalistes pourront couvrir, par exemple, un territoire aussi vaste que la Côte-Nord, le Bas-du-Fleuve et la Gaspésie réunis.

Il s’agit d’une atteinte directe à la démocratie, car ces bulletins étaient très regardés. Les premiers à s’en plaindre, ce sont les élus eux-mêmes. Les échevins, les maires et les préfets n’aiment pas toujours les journalistes, mais ils reconnaissent que leur travail est essentiel et que les conseils de ville fonctionnent mieux lorsque leurs décisions sont scrutées par les entreprises de presse.

Ces élus soulignent aussi que chacune de leurs régions fait face à des enjeux économiques ou sociaux qu’on n’évoque jamais ou presque dans les téléjournaux nationaux diffusés à partir de Montréal. Comment cette information pourra-t-elle émerger et se rendre jusqu’aux citoyens si les moyens pour ce faire n’existent plus?

On le sait, les médias traditionnels d’information, dans toutes les régions du pays, font face à une crise. Pour TVA, il est trop tard. Le groupe comptait sur une entrée en vigueur rapide de la loi C-18 pour renflouer ces coffres, mais Meta a déjà quitté le navire et Google n’a rien garanti. C’est une grosse perte.

[Traduction]

Le Youth-Parliamentarian Nuclear Summit

L’honorable Marilou McPhedran : Honorables sénateurs, je remercie le Groupe progressiste du Sénat de m’accorder du temps pour prendre la parole aujourd’hui. Je veux parler de l’escalade des menaces de frappes nucléaires et de la façon dont les sénateurs peuvent choisir de réagir.

Dans un article publié aujourd’hui, M. John Polanyi, lauréat du prix Nobel, lance un avertissement en disant que le désarmement nucléaire représente « le meilleur espoir pour l’humanité » et prévient que :

[malgré] le dicton selon lequel « une guerre nucléaire ne peut pas être gagnée et ne doit jamais être menée », nous continuons de planifier la guerre nucléaire. C’est la source du danger qui nous guette.

Un récent article de l’éditeur émérite du Hill Times a qualifié ce danger de « pacte de suicide mondial ». En fait, en 2022, les États dotés d’armes nucléaires ont dépensé 83 milliards de dollars pour ce type d’armes — des dépenses qui augmentent constamment d’année en année, sans que cela donne lieu à une amélioration mesurable de la sécurité mondiale.

Dans ce contexte, je suis heureuse d’annoncer le lancement du tout premier Youth-Parliamentarian Nuclear Summit, le Sommet des jeunes et des parlementaires sur le nucléaire, qui aura lieu dans 13 jours sur la Colline du Parlement, les 20 et 21 novembre, et auquel participeront en personne et en ligne des jeunes du secondaire et de l’université de tout le Canada.

Pendant le sommet, des tables rondes interactives regrouperont des parlementaires, des jeunes leaders, des diplomates, des dirigeants autochtones et des leaders de la société civile. Parmi les principales conférencières invitées, signalons une jeune et dynamique diplomate qui est au premier plan des efforts pour le désarmement nucléaire, l’ambassadrice Maritza Chan, représentante permanente aux Nations unies à New York; Setsuko Thurlow, récipiendaire du prix Nobel de la paix de 2017 et survivante d’Hibakusha/Hiroshima; et Jennifer Allen Simons, experte canadienne réputée en matière de désarmement, sans oublier ma coanimatrice.

(1430)

Les participants prendront part à un dialogue multilatéral et intergénérationnel sur la politique nucléaire, le militantisme en faveur du désarmement, la justice climatique, la paix et la sécurité, sous tous leurs angles. Il s’agit d’enjeux intergénérationnels qui auront des répercussions cumulatives pour les jeunes.

Je tiens à souligner tout le travail accompli par les coorganisateurs du sommet : l’association Reverse the Trend Canada, la Simons Foundation Canada, la Nuclear Age Peace Foundation, la Campagne internationale pour l’abolition des armes nucléaires, Mines Action Canada, le projet Ploughshares, le Rassemblement canadien pour une convention sur les armes nucléaires, la Voix des femmes canadiennes pour la paix, ainsi que mes coanimatrices parlementaires, la sénatrice Kim Pate et les députées Lindsay Mathyssen, Heather McPherson et Elizabeth May.

En plus des excellentes séances de travail qui sont prévues, il y aura une réception le lundi 20 novembre, à 17 heures. Vous y êtes tous chaleureusement invités.

Merci, meegwetch.

Visiteur à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Son Excellence Vinh Quang Pham, ambassadeur de la République socialiste du Vietnam. Il est l’invité de l’honorable sénateur Oh.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Les relations diplomatiques entre le Canada et le Vietnam

L’honorable Victor Oh : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour souligner les relations durables qu’entretiennent le Vietnam et le Canada à l’occasion du 50e anniversaire de leurs relations diplomatiques.

Depuis son établissement en 1973, le partenariat a évolué pour devenir une collaboration à multiples facettes. Les deux pays ont collaboré dans les domaines du commerce, du développement, de l’éducation et de la culture, entre autres. Non seulement ces interactions ont profité aux deux pays, mais elles ont aussi contribué à la stabilité régionale et mondiale.

Le Canada a également soutenu activement les objectifs de développement du Vietnam, en particulier dans des domaines tels que l’éducation, les soins de santé et le développement durable. Ce partenariat a amélioré le bien-être des deux pays et a renforcé leurs liens.

Les relations s’étendent également aux rapports interpersonnels, car les communautés vietnamiennes vivant au Canada ont enrichi notre diversité culturelle et approfondi notre compréhension commune.

J’ai eu le privilège de me rendre au Vietnam cet été à l’occasion du forum économique de Hô Chi Minh-Ville, qui portait sur les défis environnementaux, l’économie circulaire et la promotion des initiatives en matière d’énergie verte.

Ce forum a agi comme une plateforme importante pour favoriser un développement économique durable et respectueux de l’environnement dans le pays, avec des participants du monde entier, notamment des chefs d’entreprise, des représentants du gouvernement et des universitaires. De telles initiatives témoignent de l’engagement du Vietnam en faveur d’un avenir plus vert et plus durable et soulignent l’importance de la responsabilité environnementale dans le paysage économique.

J’aimerais également saluer Son Excellence Vinh Quang Pham, le nouvel ambassadeur de la République socialiste du Vietnam. Je me réjouis des efforts continus déployés par le Canada et le Vietnam pour renforcer encore davantage leurs relations diplomatiques, coopératives et amicales.

Merci.

[Français]

L’honorable Mary T. Moreau

Félicitations à l’occasion de sa nomination

L’honorable Paula Simons : Je prends la parole aujourd’hui pour rendre hommage à la nouvelle juge de la Cour suprême du Canada, Mme Mary Moreau, ancienne juge en chef de la Cour du Banc du Roi de l’Alberta. C’est une juriste remarquable.

Je m’exprime en français en son honneur, en reconnaissance du travail qu’elle a accompli toute sa vie pour défendre les droits des Franco-Albertains.

Mme Moreau est née dans une famille bilingue. Son père, Joseph Paul Moreau, fut un grand défenseur de l’éducation en français. Aujourd’hui, à Edmonton, une école française porte son nom. La mère de la juge Moreau était anglophone. Cependant, elle a embrassé l’idée de son mari, et leurs huit enfants ont été éduqués en français.

Jeune avocate, Mary Moreau a remporté une cause historique en faisant valoir que les Albertains avaient le droit d’être jugés en français. Son argument : les droits des francophones dans ce qui était alors les Territoires du Nord-Ouest n’avaient pas été supprimés lorsque l’Alberta est entrée dans la Confédération.

Dans une autre cause célèbre, elle a obtenu le droit pour les Franco-Albertains d’être scolarisés dans des écoles de langue française, et pas seulement dans des programmes d’immersion.

Outre le droit constitutionnel, elle a pratiqué également le droit pénal, le droit de la famille et le droit des affaires, en français et en anglais, tout en élevant ses quatre enfants. Son mari a raconté cette histoire révélatrice à propos de sa femme, à ses débuts comme juge, alors qu’elle n’avait que 38 ans :

Mary participait à son premier procès criminel devant jury, alors qu’elle était enceinte d’environ neuf mois et demi de notre fille. Le jury, composé uniquement d’hommes, a pris seulement neuf minutes pour acquitter son client, puis il est vite retourné dans la salle d’audience, exhortant Mary à se rendre directement à l’hôpital.

Plus tard, elle a plaidé une cause devant la Cour suprême alors qu’elle était très enceinte. Les juges l’ont suppliée de s’asseoir pour présenter ses arguments; une invitation qu’elle a déclinée.

Maintenant, finalement, elle va prendre sa place à la Cour suprême et s’asseoir avec ses collègues.

Félicitations, madame la juge. À Edmonton, nous sommes très fiers de vous. Merci.

Le dépistage néonatal sanguin de la maladie falciforme

L’honorable Marie-Françoise Mégie : Samedi dernier, j’ai eu l’occasion de participer au 10e anniversaire du dépistage néonatal universel de la maladie falciforme au Québec. Cette maladie est non seulement la plus ancienne maladie génétique connue au monde, mais aussi la plus répandue.

J’aimerais remercier le président de l’Association d’anémie falciforme du Québec, M. Wilson Sanon, de m’avoir invitée à cet événement. Ce fut un rassemblement réunissant le monde médical, pharmaceutique et communautaire, ainsi que des parents et des malades pour marquer cette date importante dans la vie de l’association après de nombreuses années de lutte.

J’ai retenu trois choses : il est essentiel de soutenir la recherche; il est crucial de vulgariser les connaissances sur la maladie falciforme; il est capital d’implanter un registre national.

C’est une maladie qui affecte non seulement les personnes atteintes, mais aussi leur famille, leurs amis et la communauté dans son ensemble. Un tournant majeur est l’étude par la Food and Drug Administration d’un traitement curatif contre cette maladie.

Je compte sur le Canada pour devenir un leader dans la lutte contre la maladie falciforme.

Je vous remercie.

(1440)

[Traduction]

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Charlotte Yates, présidente et vice-chancelière de l’Université de Guelph, et de Mellissa McDonald, vice-présidente adjointe, Relations gouvernementales et engagement communautaire, Université de Guelph. Elles sont les invitées de l’honorable sénatrice Coyle.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!


AFFAIRES COURANTES

Audit et surveillance

Dépôt du dixième rapport du comité

L’honorable Marty Klyne : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le dixième rapport (provisoire) du Comité permanent de l’audit et de la surveillance intitulé Mission d’étude sur les pratiques en matière d’audit et de surveillance au Parlement du Royaume-Uni.

Affaires juridiques et constitutionnelles

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à étudier la Loi sur l’abrogation des lois de 2023

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le rapport sur la Loi sur l’abrogation des lois pour l’année 2023, déposé au Sénat le 1er février 2023, soit renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles pour étude et rapport;

Que le comité soumette son rapport au Sénat au plus tard le mardi 5 décembre 2023.

[Français]

Projet de loi sur le cadre national sur la maladie falciforme

Première lecture

L’honorable Marie-Françoise Mégie dépose le projet de loi S-280, Loi concernant un cadre national sur la maladie falciforme.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Mégie, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après‑demain.)

Affaires étrangères et commerce international

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à déposer son rapport sur l’étude du service extérieur canadien et d’autres éléments de l’appareil de politique étrangère au sein d’Affaires mondiales Canada auprès du greffier pendant l’ajournement du Sénat

L’honorable Peter M. Boehm : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer auprès du greffier du Sénat, au plus tard le 29 décembre 2023, son rapport final relatif à son étude sur le service extérieur canadien et les éléments de la politique étrangère à Affaires mondiales Canada, si le Sénat ne siège pas à ce moment-là, et que ledit rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.

Énergie, environnement et ressources naturelles

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à siéger en même temps que le Sénat

L’honorable Rosa Galvez : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles soit autorisé à se réunir le mardi 21 novembre 2023, à 18 h 30, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l’application de l’article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.


[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

Les travaux du Sénat

La réorganisation des travaux

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader du gouvernement, juste avant le début de la séance du Sénat, cet après-midi, nous avons été informés que vous alliez réorganiser l’étude des affaires du gouvernement pour que l’interpellation no 5 passe avant les projets de loi du gouvernement. Cette interpellation porte sur le budget que le gouvernement Trudeau a présenté il y a longtemps, en mars.

Sénateur Gold, est-il exact que vous souhaitez réorganiser les travaux? Si oui, pourquoi?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question.

Oui, c’est exact. Nous avons reçu la demande d’un sénateur qui ne peut pas intervenir sur une question et qui ne pourra pas nécessairement prendre la parole plus tard aujourd’hui. Nous avons accepté cette demande.

Le sénateur Plett : Comme je l’ai dit, il s’agit d’un budget présenté par le gouvernement en mars. Le sénateur a eu plein d’occasions de prendre la parole depuis mars. À l’évidence, rien ne presse. Il aura encore plein d’autres occasions, mais pas aujourd’hui avant le vote qui doit se tenir à 17 h 30 au sujet du projet de loi C-234.

Est-ce que cela a quelque chose à voir avec le fait que le sénateur veut prendre la parole au sujet d’une interpellation aujourd’hui? Entend-il parler du projet de loi C-234?

Le sénateur Gold : Merci de la question.

Comme je l’ai dit, nous avons reçu une demande du sénateur et nous avons acquiescé à cette demande. Je ne sais pas exactement ce que le sénateur dira, mais je pense que nous sommes tous impatients d’entendre ce qu’il a à dire.

Les affaires mondiales

Le Corps des Gardiens de la révolution islamique

L’honorable Leo Housakos : Sénateur Gold, voilà maintenant cinq ans que la Chambre des communes — à l’instar du Sénat plus tôt cette année — a adopté la motion demandant au gouvernement libéral d’inscrire le Corps des Gardiens de la révolution islamique sur la liste des groupes terroristes. À l’époque, la sénatrice Omidvar avait indiqué que les crimes commis par le régime islamique et par le Corps des Gardiens de la révolution islamique allaient au-delà des frontières de l’Iran. En outre, la sénatrice Omidvar a parlé du soutien que le Corps des Gardiens de la révolution islamique fournit au Hamas pour déstabiliser considérablement la région, comme en témoignent les actes barbares commis le 7 octobre contre des hommes, des femmes et des enfants.

Sénateur Gold, compte tenu des scènes horribles de ce jour-là et de la capacité du Hamas de ne jamais manquer de roquettes, de carburant ou de tunnels dans lesquels ses membres peuvent se cacher, que faudra-t-il pour que le gouvernement inscrive le Corps des Gardiens de la révolution islamique sur la liste des groupes terroristes et qu’il cesse de financer le Hamas dans sa tentative d’anéantir l’État d’Israël et d’assassiner le peuple juif?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Le Canada a désigné la République islamique d’Iran, y compris un grand nombre de hauts fonctionnaires de ce régime, ainsi que le Corps des Gardiens de la révolution islamique, comme régime qui se livre à des actes terroristes et à de graves violations des droits de la personne en Iran, dans la région et dans le monde. Il s’agit d’une mesure ferme qui témoigne de l’aversion du Canada pour les activités terroristes soutenues par des États comme la République islamique d’Iran.

Le Canada continue de tenir l’Iran responsable de ses actes en prenant un grand nombre de mesures fortes, comme l’inscription de la Brigade al-Qods des Gardiens de la révolution islamique et de trois milices régionales appuyées par le régime iranien sur la liste des entités terroristes en vertu du Code criminel.

Le sénateur Housakos : Comme toujours, l’inaction du gouvernement Trudeau en dit long. Le fait est que le Canada reconnaît le Hamas comme une organisation terroriste — n’est-ce pas, sénateur Gold? Pourtant, au Canada, des agents du Hamas brandissent des drapeaux d’organisations terroristes dans nos rues sans craindre l’intervention des forces de l’ordre. Ainsi, même si le Corps des Gardiens de la révolution islamique a été inscrit sur la liste des organisations terroristes, personne, au sein du gouvernement, ne serait prêt à faire quoi que ce soit. N’est-ce pas, sénateur Gold? Si cela est faux, expliquez-moi en quoi je me trompe. Êtes-vous d’accord sur le fait que le Hamas soit présent sur les campus, qu’il y recrute...

Son Honneur la Présidente : Je vous remercie, sénateur Housakos. Sénateur Gold, vous pouvez répondre à la question.

Le sénateur Gold : Il est louable que vous vous préoccupiez de la présence du Hamas dans nos rues. Votre question, cependant, frôle l’indécence.

(1450)

En fait, c’est à la police et non au gouvernement du Canada de faire respecter le droit criminel qui interdit les discours haineux et l’incitation à la violence. Comme je vis en face du consulat israélien, je suis bien au courant des activités des gens qui appuient le Hamas. Je compte sur la stricte application de la loi canadienne avec toutes les conséquences qui en découlent.

Les nominations par le gouverneur en conseil

Les postes vacants au Sénat

L’honorable Donna Dasko : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Sénateur Gold, c’était formidable de voir que certains postes vacants au Sénat ont été comblés la semaine dernière. Je félicite et j’accueille chaleureusement notre nouveau collègue ainsi que ceux qui se joindront à nous dans quelques semaines.

Incidemment, ma question porte sur les postes vacants au Sénat. À l’heure actuelle, on compte quatre postes vacants pour l’Ontario, la province que je représente. Aucune province n’a autant de postes vacants. Or, l’Ontario est de loin la province la plus populeuse du Canada et même avec une représentation complète de 24 sénateurs, ma province est sous-représentée dans cette enceinte par rapport à sa population.

Quand pouvons-nous prévoir que le premier ministre fera le nécessaire pour combler les vacances afin que l’Ontario soit adéquatement représentée dans cette Chambre de second examen objectif?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de vos questions. Comme je l’ai dit à maintes occasions, nous souhaitons tous que les sièges vacants soient comblés. Le gouvernement a mis en branle le processus de nomination pour susciter l’intérêt d’une diversité de Canadiens compétents à siéger au Sénat. Pour autant que je sache, le processus est bien amorcé pour l’Ontario.

Pour ce qui est du moment où ces vacances seront comblées, je ne suis pas en mesure de vous répondre. Néanmoins, le gouvernement procède avec diligence pour combler les sièges vacants.

L’immigration, les réfugiés et la citoyenneté

Les réfugiés afghans

L’honorable Ratna Omidvar : Sénateur Gold, nous avons tous lu que le gouvernement du Pakistan oblige des millions de réfugiés afghans à retourner en Afghanistan. Cette situation est non seulement choquante, mais aussi contraire au droit international. De plus, elle met de nombreuses vies en danger.

Je sais que des Afghans qui ont été acceptés au Canada en tant que réfugiés n’ont pas pu quitter le Pakistan. Nombre d’entre eux font partie de la minorité hazara. Ils sont maintenant contraints de retourner au Pakistan, ce qui leur fait courir un risque accru de persécution par les talibans.

Que fait le gouvernement pour que ces réfugiés soient autorisés à quitter le Pakistan et à venir au Canada?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Le gouvernement est très conscient de la situation que vivent les réfugiés afghans au Pakistan et continue de la suivre de près.

J’ai été informé que le gouvernement est en pourparlers avec le gouvernement du Pakistan pour assurer le passage sûr et rapide des réfugiés afghans à destination du Canada. Bien que le gouvernement ait déjà atteint son objectif de réinstaller au moins 40 000 réfugiés afghans au Canada, ce qui représente une réalisation importante, le gouvernement continuera à faire tout en son pouvoir pour amener des Afghans en lieu sûr au Canada.

La sénatrice Omidvar : Je suis encouragée par votre déclaration selon laquelle le gouvernement du Canada s’entretient avec le gouvernement du Pakistan. Le retour forcé des réfugiés, aussi appelé refoulement, va à l’encontre des droits internationaux de la personne, du droit humanitaire et du droit coutumier.

Dans les conversations avec le gouvernement du Pakistan, que fait le Canada pour pousser les pays — pas seulement le Pakistan, mais d’autres aussi, j’imagine — à respecter les obligations juridiques internationales, y compris le principe du non‑refoulement, et à mettre fin à la répression contre les réfugiés afghans?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. Je ne connais pas les détails de la conversation, mais je suis certain que les parties sont en dialogue constant. L’engagement du Canada à l’égard du droit international dans ses affaires internationales est bien connu, et je suis convaincu que cet engagement fait partie de ces conversations.

La justice

L’avancement des travaux législatifs

L’honorable Scott Tannas : Ma question s’adresse au sénateur Gold.

Le 24 octobre, le sénateur Dennis Patterson vous a demandé si le gouvernement allait demander une prolongation du délai fixé par la Cour suprême pour le projet de loi S-12. Vous avez alors répondu que nous devrions respecter la date butoir prévue. Deux jours plus tard, vous avez informé le Sénat qu’une prolongation de trois mois avait été accordée.

On sait que les prolongations ne sont pas accordées du jour au lendemain. Sénateur Gold, quand le procureur général du Canada a‑t-il donné avis et demandé une prolongation à la Cour suprême? Quand en avez-vous été informé? Êtes-vous satisfait du processus suivi?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Permettez-moi d’abord de revenir sur mon intervention à l’étape du message concernant le projet de loi S-12. Le jeudi 26 octobre, j’ai déclaré au Sénat que mon bureau avait été subséquemment informé qu’afin de parer aux imprévus, le gouvernement avait effectivement demandé un report de la date d’échéance, une approche qu’il jugeait responsable dans l’éventualité où le processus parlementaire ne se déroulerait pas comme prévu.

Comme vous le savez, la cour a accordé ce report. J’en ai été informé le lendemain, avant le début de la séance et de notre débat, information que j’ai immédiatement transmise à tous les leaders.

Il se trouve qu’il existait une requête en prorogation et qu’elle était du domaine public. N’importe quel Canadien intéressé pouvait y avoir accès en ligne, tout comme n’importe quel parlementaire d’ailleurs, qui aurait pu demander à son personnel de vérifier le dossier de l’affaire sur le site Web de la Cour suprême. Nous ne l’avons pas fait, et je crains que d’autres soient dans la même situation.

Cela dit, j’ai porté vos préoccupations à l’attention du gouvernement. À l’avenir, des efforts seront faits pour veiller à ce que le Sénat soit informé plus rapidement des mesures législatives susceptibles d’être visées par un délai imposé par la cour.

Le sénateur Tannas : Merci.

Les services aux Autochtones

L’infrastructure dans les communautés autochtones

L’honorable Marty Klyne : Sénateur Gold, le gouvernement a promis de combler le manque d’infrastructures dans les collectivités autochtones d’ici 2030. Cependant, dans son rapport publié en juin 2022, le Comité des affaires autochtones et du Nord de la Chambre des communes a sonné l’alarme. En effet, au rythme actuel des investissements, cet objectif ne sera pas atteint pour les infrastructures liées au logement.

Pouvez-vous nous en dire davantage sur la façon dont le ministère des Services aux Autochtones mesure les lacunes à combler et quand nous verrons les estimations promises sur les besoins en infrastructures des Premières Nations? Ces estimations seront-elles incluses dans les nouveaux investissements qui seront présentés dans le prochain énoncé économique de l’automne?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de ces importantes questions, monsieur le sénateur. Il y a effectivement un écart important en matière d’infrastructures entre les communautés autochtones et non autochtones au Canada. Les investissements dans les infrastructures sont un élément clé de l’engagement du gouvernement pour favoriser la croissance des collectivités autochtones en misant sur la sécurité, la santé et la prospérité, et soutenir leur participation — et celle de leurs entreprises — dans l’économie nationale.

Je me permets de souligner que, d’avril 2016 au 30 juin 2023, ce sont 9,92 milliards de dollars de fonds ciblés qui ont été investis dans 9 457 projets pour les communautés autochtones. On m’a assuré que Services aux Autochtones Canada continuera de travailler directement avec les Premières Nations, les organisations des Premières Nations et d’autres organisations fédérales pour déterminer quels mesures et investissements supplémentaires pourraient contribuer à combler le manque à gagner dans les infrastructures d’ici 2030.

Le sénateur Klyne : Sénateur Gold, merci de souligner l’importance de la question. Le sous-financement fédéral au chapitre du logement pour les Autochtones a eu des répercussions négatives sur de nombreuses générations, à bien des égards. Le fait de ne pas respecter les droits issus des traités et de ne pas tenir les promesses oblige inutilement les nations autochtones à quémander et à intenter des poursuites.

Étant donné les projections du Comité des affaires autochtones et du Nord de la Chambre des communes, le gouvernement prévoit-il investir davantage et mettre en œuvre d’autres programmes visant à fournir des logements dans les réserves, afin de donner suite à sa promesse envers les communautés autochtones?

Le sénateur Gold : Merci, sénateur. Depuis 2016, le gouvernement a dépensé plus de 6 milliards de dollars afin de combler les lacunes de longue date en matière de logement dans les communautés des Premières nations, des Inuits et des Métis. Récemment, il s’est engagé à verser 2,4 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années pour aider à combler les lacunes en matière de logement chez les Premières Nations. Il reste encore beaucoup à faire, mais le gouvernement fait tout ce qu’il peut dans les circonstances actuelles.

La défense nationale

Le Monument commémoratif national de la mission du Canada en Afghanistan

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Monsieur le leader du gouvernement, en mai 2014, l’ancien premier ministre Stephen Harper a déclaré qu’on érigerait un monument national à la mémoire de ceux qui ont servi en Afghanistan « [p]our que jamais les Canadiens n’oublient les contributions des militaires ».

Près de dix ans plus tard, alors que nous sommes presque à la veille du jour du Souvenir, ce monument n’a toujours pas été érigé. Le design officiel n’a été annoncé qu’en juin dernier, et le processus de sélection baigne dans la controverse, car le gouvernement Trudeau a renversé le choix d’un jury professionnel. La semaine dernière, la ministre des Anciens Combattants a confirmé à un comité de la Chambre que la construction n’avait toujours pas commencé.

Monsieur le leader, pourquoi le gouvernement Trudeau a-t-il si mal géré la création de ce monument?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de vos questions. Avec tout le respect que je vous dois, je ne crois pas du tout que le projet ait été mal géré.

Le Monument commémoratif national de la mission du Canada en Afghanistan rendra un hommage solennel aux 40 000 Canadiens — soldats, membres des corps policiers et civils — qui ont servi là-bas. Je comprends qu’au cours du processus, Anciens Combattants Canada a entendu plus de 10 000 Canadiens relativement au design du monument. C’est le design de l’équipe Stimson qui correspond le mieux aux commentaires des anciens combattants, de leurs familles et d’autres personnes qui ont servi au cours de cette mission.

(1500)

La sénatrice Martin : Je ne suis pas d’accord. Comme je l’ai dit, cette promesse remonte à il y a 10 ans. Le mois dernier, un représentant du gouvernement néo-démocrate—libéral a dit que, pour le moment, on ne prévoit pas dévoiler le Monument commémoratif national de la mission du Canada en Afghanistan avant 2027.

Monsieur le leader, compte tenu du piètre bilan du gouvernement lorsqu’il s’agit d’accomplir quoi que ce soit, surtout en ce qui concerne ce monument en particulier, pourquoi les Canadiens devraient-ils croire que cela aura bel et bien lieu en 2027?

Le sénateur Gold : Le processus mené par le gouvernement tient compte avant tout des besoins, des intérêts et de l’avis des anciens combattants et de leurs familles. Le gouvernement est reconnaissant du travail d’évaluation du jury, mais le concept qui a été choisi au terme d’un long processus est celui qui, selon les anciens combattants de la mission et leurs familles, représente le mieux la bravoure, les sacrifices et les pertes des personnes qui ont pris part à la mission en Afghanistan.

La justice

Les peines minimales obligatoires

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le porte-parole du gouvernement, vendredi dernier, la Cour suprême du Canada a rendu une décision que de nombreux Canadiens, dont moi-même, ont trouvée décevante, troublante et, bien franchement, dégoûtante. En effet, la Cour suprême a statué que les peines minimales obligatoires pour le crime odieux de leurre d’enfants sont inconstitutionnelles. Notre plus haut tribunal dit qu’une peine d’emprisonnement de six mois pour une déclaration de culpabilité par procédure sommaire et une peine d’un an pour une mise en accusation équivalent à une peine cruelle et inusitée. Le leurre d’enfants est une peine cruelle et inusitée. Les enfants du Canada méritent une meilleure protection.

Une fois la décision rendue, on a dit aux Canadiens que le ministre de la Justice examinait la question de près. Qu’est-ce que le gouvernement Trudeau va faire en réponse à cette décision? Par exemple, va-t-il invoquer la disposition de dérogation?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Disons clairement ce que la Cour suprême a fait et n’a pas fait. Tout d’abord, le leurre d’enfants et tous les crimes sexuels sont épouvantables et intolérables. Ils méritent d’être punis en conséquence. Ceux qui ont lu la décision et qui savent comment la Cour suprême aborde la question savent que la décision a été rendue en fonction de questions hypothétiques et non pas nécessairement des faits de l’affaire en question. Par ailleurs, la Cour suprême a augmenté la peine d’emprisonnement de l’auteur du crime dans cette affaire, ce qui constitue un message indéniable de la Cour suprême, à savoir que ces infractions doivent être punies sévèrement. La décision de la Cour suprême souligne ceci :

[...] les peines infligées pour ces crimes doivent tenir compte des dommages profonds et permanents que la violence sexuelle cause aux enfants, aux familles et à la société en général [...]

Autant que je sache, rien n’indique que le gouvernement invoquerait la disposition de dérogation à cet égard.

L’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Le fait d’avoir ce gouvernement libéral est une peine cruelle et inusitée. Le premier ministre montre constamment qu’il n’en vaut pas le coût, et cette réponse concernant les droits des victimes ne fait pas exception. Le gouvernement néo-démocrate—libéral laisse le poste d’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels vacant depuis 361 jours. En 2018, lorsque le poste d’ombudsman pour les délinquants sous responsabilité fédérale est devenu vacant, le gouvernement l’a pourvu dès le lendemain.

Pourquoi les droits des victimes et la sécurité des rues sont-ils toujours une considération secondaire pour le gouvernement Trudeau?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : La réponse courte est qu’ils ne sont pas une considération secondaire. L’approche du gouvernement relativement au droit pénal en général ainsi qu’à sa réforme diffère de celle du Parti conservateur. Cela dit, lorsqu’il s’agit de protéger les Canadiens, le gouvernement est fier de son bilan marqué par la mise en œuvre de mesures équilibrées humaines et constitutionnelles.

[Français]

La santé

L’aide médicale à mourir

L’honorable Julie Miville-Dechêne : Sénateur Gold, en 2022, on a enregistré une hausse de 31 % du nombre de Canadiens qui ont reçu l’autorisation de recourir à l’aide médicale à mourir, l’AMM. Au Québec, la hausse a été de 46 %. Dans un éditorial du Globe and Mail publié la fin de semaine dernière, on lisait que le Québec est, tristement, champion du monde de l’AMM. Sans surprise, le président de la Commission sur les soins de fin de vie du Québec s’inquiète de certains cas limites ou non conformes.

Dans ce contexte, l’élargissement de l’AMM à la maladie mentale provoque bien des questionnements. Dans son éditorial, le Globe and Mail se demandait si, à la lumière des chiffres et des justifications, on approuvait des demandes d’aide médicale à mourir simplement parce que les demandeurs étaient vieux.

Sénateur Gold, le gouvernement est-il conscient du problème? Entend-il resserrer certains critères, qui sont bien trop vagues?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question. L’aide médicale à mourir, l’AMM, est une question complexe et profondément personnelle. Le parcours de chaque individu est différent et la présentation d’une demande d’aide médicale à mourir est une décision grave.

Comme vous le savez, chère collègue, le Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir a été convoqué de nouveau pour examiner ces questions et il poursuit son étude aujourd’hui. J’ai hâte de prendre connaissance de son rapport.

La sénatrice Miville-Dechêne : Tout comme vous, sénateur Gold, je pense que la question de l’aide médicale à mourir est délicate et difficile. À l’heure actuelle, des doutes sérieux planent sur la mise en œuvre de la loi.

Ne devrait-il pas y avoir une pause sur l’élargissement de l’aide médicale à mourir aux personnes dont la maladie mentale est le seul problème médical invoqué? Il n’y a pas de consensus sur cet enjeu. Le Québec a rejeté cette idée.

Pourquoi le gouvernement fédéral n’applique-t-il pas le principe de précaution, dans ce cas précis, pour arrêter la machine et éviter les débordements?

Le sénateur Gold : Merci de votre question. Comme vous le savez, chère collègue, la raison pour laquelle le comité mixte a été convoqué de nouveau est précisément pour étudier cette question importante. Le gouvernement attend le rapport avant de décider ce qu’il devra faire à la suite des recommandations qu’il contiendra.

[Traduction]

L’environnement et le changement climatique

La taxe sur le carbone

L’honorable Leo Housakos : Sénateur Gold, il commence à faire froid dehors. Même ici, à Ottawa, on ne peut pas nier que l’hiver est à nos portes. Cependant, hier, vos collègues libéraux de la Chambre des communes ont choisi de punir davantage les travailleurs canadiens en votant contre notre motion visant à éliminer la taxe sur toutes les formes de chauffage domestique au Canada. Le tour de passe-passe annoncé par Justin Trudeau il y a quelques semaines ne fait rien pour promouvoir l’utilisation de formes plus propres de chauffage domestique, en plus de laisser en plan 97 % des ménages canadiens. Je parle ici de gens qui auront non seulement du mal à se chauffer cet hiver, mais aussi à faire le plein pour se rendre au travail, à mettre du pain sur la table et à chauffer leurs granges afin de produire les aliments que nous mangeons. Ces Canadiens ne comptent-ils pas parce qu’ils n’ont pas été assez nombreux à voter pour les libéraux? Est-ce là l’explication, sénateur Gold? S’agit-il d’un pot-de-vin ou d’une menace, sénateur? J’aimerais avoir une réponse à cette question.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question. Ni l’un ni l’autre. Le gouvernement a fait de la lutte aux changements climatiques un élément central de son programme législatif et de ses politiques. C’est un travail difficile. Il faudra du temps et, parfois, la progression se fait à pas de tortue. Depuis le début, le gouvernement peaufine son approche pour essayer de limiter les impacts inhérents à la tarification de la pollution pour les Canadiens. Il continuera de procéder de la sorte et fera de son mieux pour trouver des solutions responsables, parce que nous et les générations futures faisons face à une crise existentielle au Canada et sur toute la planète. L’engagement du gouvernement à répondre à cette crise demeure ferme.

Le sénateur Housakos : Sénateur Gold, tout ce que fait cette taxe, c’est de punir les Canadiens de la classe ouvrière. Elle sème la discorde au pays. Suspendre la taxe pour un groupe alors qu’on la quadruple pour un autre est complètement injuste.

Sénateur Gold, admettez-le : Justin Trudeau ne prend pas des décisions dans l’intérêt des Canadiens. Il prend des décisions pour essayer de sauver son navire qui prend l’eau. Admettez aussi que le premier ministre n’en vaut pas le coût pour les contribuables canadiens et que seul Pierre Poilievre et un gouvernement conservateur majoritaire s’assureront que tous les Canadiens peuvent se chauffer.

Le sénateur Gold : Je ne sais pas quoi répondre. J’aime les bons slogans. Quand j’en entends un une ou deux fois, je trouve cela bien et il y a un certain effet. Après quelque temps, on a l’impression d’entendre un disque qui saute; l’effet s’estompe et on s’en lasse.

La vérité, c’est que le gouvernement cherche à adopter des politiques qui servent l’intérêt des Canadiens.

La santé

Le Transfert canadien en matière de santé mentale

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Monsieur le leader du gouvernement, le gouvernement Trudeau n’a toujours pas donné suite à l’une des promesses — une autre — faites pendant la campagne électorale de 2021 : celle d’instaurer un nouveau transfert fédéral à l’intention des provinces et des territoires, le Transfert canadien en matière de santé mentale, auquel serait consacrée une somme initiale de 4,5 milliards de dollars sur cinq ans.

En mars, lorsqu’elle a constaté que ce transfert n’était toujours pas prévu dans le budget fédéral, l’Association canadienne pour la santé mentale a déclaré que votre gouvernement était en total décalage avec la crise de la santé mentale qui sévit au Canada.

(1510)

Il y a un an, quand on a demandé à celui qui était alors ministre de la Santé où en était ce dossier, il s’est contenté de dire qu’il continuerait ses discussions avec les provinces. Monsieur le leader, où en est actuellement le dossier du Transfert canadien en matière de santé mentale?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question et d’avoir souligné qu’au Canada, le soutien à la santé mentale est un enjeu important et urgent, tout comme le soutien à d’autres secteurs de notre système de santé, dont tous les aspects sont soumis à la pression d’une demande accrue, de coûts plus élevés et d’un manque constant de ressources, qu’elles soient provinciales ou fédérales.

Le ministre fédéral de la Santé et ses homologues discutent régulièrement des priorités et des capacités des provinces, et ces discussions se poursuivront.

La sénatrice Martin : Le gouvernement libéral n’a pas tenu sa promesse de financer le Transfert canadien en matière de santé mentale malgré l’ampleur croissante de la crise à cet égard, l’élargissement par le gouvernement de l’aide médicale à mourir et l’utilisation généralisée de drogues dangereuses et provoquant une forte dépendance.

Les Canadiens doivent-ils s’attendre à ce que le Transfert canadien en matière de santé mentale soit inclus dans la mise à jour économique de l’automne? Si ce n’est pas le cas, que devraient-ils penser de cette omission?

Le sénateur Gold : Je ne suis pas en mesure de vous dire ce que contiendra ou non la mise à jour économique de l’automne, mais, lorsque celle-ci sera rendue publique, je pense que les Canadiens sauront exactement ce que le gouvernement a l’intention de faire.

L’environnement et le changement climatique

La taxe sur le carbone

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le porte-parole du gouvernement, hier, comme le sénateur Housakos l’a déjà souligné, les députés libéraux, ainsi que les députés bloquistes, ont voté contre une motion visant à soutenir les Canadiens. Ils continuent plutôt à soutenir la taxe sur le carbone du premier ministre Trudeau, qui sert de punition pour ceux qui n’ont pas voté pour le Parti libéral. Comme je l’ai dit, ils ont eu l’aide du Bloc.

Hier, La Presse a rapporté que les députés du Bloc ont dit aux ministres libéraux qu’ils se montreraient patients pour ne pas déclencher des élections, qui doivent avoir lieu dans deux ans. Les libéraux avaient déjà l’appui de Jagmeet Singh. Maintenant, un groupe déterminé à démanteler notre pays soutient le premier ministre.

Qu’a promis le premier ministre au Bloc séparatiste pour que ce dernier vote aussi contre la suspension de la taxe sur le carbone pour l’ensemble des Canadiens et lui accorde son soutien pour les deux prochaines années?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : La décision de voter pour ou contre la motion conservatrice à la Chambre des communes revient aux députés. Je ne suis pas au courant de promesses qui auraient été faites, le cas échéant.

La réalité, c’est que les députés, peu importe leur parti politique, ont le droit de s’exprimer. Ils ont le droit de former des groupes et de prendre des décisions collectives. Les gouvernements précédents n’étaient pas contre l’idée de conclure des ententes avec des députés de différents partis politiques, y compris avec le Bloc, pour obtenir leur soutien, si ma mémoire est bonne.

Le sénateur Plett : Vous en avez peut-être assez de nous entendre dire qu’il n’en vaut pas le coût. Nous en avons assez de votre silence.

Le premier ministre cherche sans cesse à diviser les Canadiens, et ses députés sont heureux de lui emboîter le pas. Lorsque l’un d’entre eux a fait un doigt d’honneur aux députés conservateurs lors du vote qui a eu lieu hier à la Chambre, il n’a pas seulement insulté ses collègues parlementaires. Ce député a exprimé exactement ce que M. Trudeau et le gouvernement pensent des Canadiens. Ne s’agit-il pas des faits, monsieur le leader? Est-ce également ce que vous pensez des Canadiens?

Le sénateur Gold : Non, ce ne sont pas les faits, et je pense que cette question est tout à fait déplacée. Cela ne décrit pas ce que je fais ici. Je suis ici pour répondre du mieux que je le peux aux questions qui me sont posées, quelles qu’en soit le ton et quelles qu’en soient les motivations, et c’est ce que je continuerai à faire.

Les affaires mondiales

Le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires des Nations unies

L’honorable Marilou McPhedran : Ma question s’adresse au sénateur Gold et porte sur le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires. J’aime ce sourire.

Comme vous le savez, le Canada fait clairement abstraction de ce traité, le troisième d’une série de trois traités portant sur la prolifération nucléaire. Dans quelques semaines, le 27 novembre, se tiendra à New York, aux Nations unies, la deuxième réunion des États parties à ce traité. Lors de la première réunion, qui a eu lieu en juin dernier à Vienne, aucun représentant du Canada n’était présent, ne serait-ce qu’à titre d’observateur — à l’exception de moi-même, qui ai dû y participer à mes frais. La deuxième réunion des États parties aura bientôt lieu. Bien que les pays membres de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord y envoient des observateurs, le Canada n’a encore rien annoncé à ce sujet.

Sénateur Gold, pouvez-vous nous dire si le Canada va prêter véritablement attention à la deuxième réunion des États parties à ce traité et y envoyer des observateurs?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question et de continuer d’attirer l’attention sur le danger de la prolifération des armes nucléaires. Je ne suis tout simplement pas au fait des intentions du gouvernement à cet égard, et je suppose qu’elles se préciseront au fil des jours et des semaines.

La sénatrice McPhedran : Merci. Auriez-vous l’amabilité de transmettre cette question et de demander une réponse avant le début de la deuxième rencontre des États parties à ce traité très important?

Le sénateur Gold : Je vais assurément transmettre la question. Tout à fait.

La sénatrice McPhedran : Merci beaucoup.


ORDRE DU JOUR

Les travaux du Sénat

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, conformément à l’article 4-13(3) du Règlement, j’informe le Sénat que, lorsque nous passerons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera les travaux dans l’ordre suivant : l’interpellation no 5, suivie de tous les autres articles dans l’ordre où ils figurent au Feuilleton.

[Français]

Le budget de 2023

Interpellation—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l’interpellation de l’honorable sénateur Gold, c.p., attirant l’attention du Sénat sur le budget intitulé Un plan canadien : une classe moyenne forte, une économie abordable, un avenir prospère, déposé à la Chambre des communes le 28 mars 2023 par la ministre des Finances, l’honorable Chrystia Freeland, c.p., députée, et au Sénat le 29 mars 2023.

L’honorable Pierre J. Dalphond : Chers collègues, je prends la parole aujourd’hui pour attirer votre attention sur certaines mesures du budget fédéral de 2023 liées aux changements climatiques.

À la page 81 du budget de 2023, on peut lire ce qui suit :

Depuis 2015, le gouvernement fédéral a pris des mesures pour bâtir l’économie propre du Canada et créer de bons emplois pour la classe moyenne. Ces mesures comprennent : la mise en place d’un système fédéral de tarification du carbone, qui remet l’argent dans les poches des Canadiennes et des Canadiens et donne aux entreprises la souplesse nécessaire pour décider de la meilleure façon de réduire leurs émissions; [...]

L’élément central de ces mesures est l’imposition d’un prix à ceux qui produisent des gaz à effet de serre (GES). Cette politique a été mise en place en 2018 avec l’approbation du Sénat.

[Traduction]

La logique de la tarification du carbone est simple : les émissions qui imposent un coût environnemental en créant de la pollution doivent être tarifées pour encourager leur réduction en cette période de crise climatique. Selon les grands économistes, la tarification du carbone est le moyen le plus efficace de réduire les émissions de carbone. L’augmentation annuelle du prix envoie un message puissant aux consommateurs : les combustibles fossiles deviendront plus coûteux et les décisions d’adopter des solutions de rechange plus propres se traduiront par des économies considérables.

Lorsque des technologies de remplacement existent ou que des technologies plus efficaces sont facilement accessibles, la tarification du carbone incite fortement les gens à faire la transition. La tarification du carbone n’est pas une punition, mais un incitatif à trouver des solutions de rechange le plus tôt possible et à prendre des mesures pour réduire les émissions afin d’atteindre nos objectifs. C’est pourquoi la tarification du carbone n’est pas, à proprement parler, une taxe.

Au paragraphe 219 de sa décision de 2021, la Cour suprême du Canada a conclu ce qui suit :

[...] Les redevances imposées par les parties 1 et 2 de la [Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre] ne peuvent être qualifiées de taxes; il s’agit plutôt de prélèvements de nature réglementaire qui visent à réaliser l’objectif réglementaire [...] soit modifier les comportements [...]

[Français]

En juin 2021, nous avons adopté le projet de loi C-12, intitulé Loi concernant la transparence et la responsabilité du Canada dans le cadre de ses efforts pour atteindre la carboneutralité en 2050. Cette loi exige du gouvernement qu’il fixe des cibles nationales de réduction des émissions de GES et qu’il établisse un processus de planification, d’évaluation et de rapports en vue de l’atteinte de la carboneutralité d’ici 2050.

Malheureusement, l’atteinte des objectifs de réduction des GES constitue un défi de taille. Plus tôt aujourd’hui, le commissaire à l’environnement et au développement durable, Jerry DeMarco, a publié un rapport qui conclut que le Plan de réduction des émissions pour 2030 du Canada ne suffit pas pour atteindre l’objectif de réduire de 40 % à 45 % les émissions de GES par rapport au niveau de 2005 en 2030.

(1520)

Comme Chambre d’analyse approfondie et non partisane, ne faut-il pas réaffirmer notre engagement envers l’atteinte des cibles prévues et la politique de la tarification sur le carbone, qui est reconnue par la plupart des économistes non seulement au Canada, mais partout dans le monde comme étant le moyen le plus efficace de réduire la production de gaz à effet de serre?

[Traduction]

Depuis l’adoption de la politique de tarification du carbone, toutes sortes de discours politiques se sont fait entendre. Certains prétendent que cette politique a grandement contribué à l’inflation; d’autres disent qu’elle est responsable du prix élevé de la nourriture. Toutefois, en tant que sénateurs indépendants, nous ne devrions pas être influencés par les lignes de parti ou les arguments trompeurs des puissants lobbys. Nous devons plutôt chercher à examiner tous les faits pertinents avant d’en arriver à une conclusion.

L’un de ces faits pertinents est le taux d’inflation au Canada. En ce moment, il est de 3,8 %, alors qu’il est de 3,7 % aux États-Unis, de 4,3 % dans les pays de l’Union européenne, de 4,9 % en France et de 6,7 % au Royaume-Uni. Par conséquent, nous semblons mieux nous en sortir que bien d’autres pays développés.

Le 8 septembre, Tiff Macklem, le gouverneur de la Banque du Canada, a calculé que la tarification du carbone contribue à l’inflation canadienne à hauteur de 0,15 %. Autrement dit, en 2023, la taxe sur le carbone représente 0,30 $ d’une facture d’épicerie de 200 $. Si on tient compte de la période depuis son établissement, il y a quatre ans, elle représente 1,20 $ d’une facture d’épicerie de 200 $. Un économiste renommé de l’Université de Calgary, Trevor Tombe, confirme que la taxe sur le carbone est responsable de moins de 1 % de la hausse du prix des aliments.

Un autre fait à prendre en considération est que la tarification fédérale des émissions constitue un programme qui sert de filet de sécurité. Dans le respect de notre régime gouvernemental fédéral, chaque province ou territoire peut déterminer comment tarifer les émissions de carbone pour atteindre les cibles nationales. À l’heure actuelle, la Colombie-Britannique et le Québec sont les deux seules provinces à avoir mis en place un programme provincial pour atteindre les cibles de réduction au moyen de mesures adaptées à leur réalité. Autrement dit, le régime a été conçu pour donner aux gouvernements provinciaux de la flexibilité en ce qui concerne les détails, pourvu qu’ils atteignent les cibles établies scientifiquement pour lutter contre les changements climatiques.

[Français]

Ainsi, au Québec, le système provincial en place fait en sorte que les exploitants agricoles québécois paient moins cher pour ce qui est de la taxe sur le carbone que ceux qui sont régis par le programme fédéral. En revanche, d’autres secteurs de l’économie québécoise peuvent payer plus cher.

[Traduction]

Un autre aspect de la tarification du carbone est le programme de remboursement. À la page 35 du budget de 2023, on dit que le prix fédéral sur la pollution remet plus d’argent dans les poches de huit Canadiens sur dix dans les provinces où il s’applique. Incidemment, le directeur parlementaire du budget a confirmé cette conclusion.

Selon les estimations du ministère des Finances qui figurent à la page 230 du budget, les produits du régime de tarification de la pollution s’élèveront à 10,1 milliards de dollars pour l’exercice financier en cours, 2023-2024. Toujours pour la même période, le ministère estime, à la page 235, que les produits du régime de tarification de la pollution qui sont remboursés s’élèveront à 11,2 milliards de dollars, ce qui est supérieur par la marge de 1,1 milliard de dollars. Manifestement, les produits du régime de tarification de la pollution ne sont pas utilisés pour financer les activités du gouvernement, les achats militaires ou les programmes sociaux; ils sont plutôt redonnés aux Canadiens.

Selon le directeur parlementaire du budget, le coût des combustibles de chauffage et de traitement, y compris la tarification du carbone, représente en moyenne 0,8 % des dépenses totales des exploitations agricoles au Canada, que Statistique Canada estime à plus de 77 milliards de dollars. En Alberta, ce pourcentage est de 0,5 %, tandis qu’il est de 0,4 % au Manitoba et de 0,3 % en Saskatchewan.

Il y a bien sûr quelques variations entre les catégories d’exploitations agricoles. Sans surprise, la part la plus importante des coûts énergétiques par rapport aux dépenses globales est celle des serres, qui se situe entre 4 et 5 %. C’est pourquoi les serres à toit de verre bénéficient d’une exemption de 80 % de la taxe sur le carbone afin de leur imposer une tarification comparable à celle des autres entreprises agricoles au Canada. Pour les exploitations d’oléagineux et de céréales, les combustibles utilisés pour le chauffage et le séchage représentent 0,4 % des dépenses, et, pour les fermes d’élevage, ce pourcentage est de 0,7 %. Enfin, dans le cadre du système fédéral actuel, tous les agriculteurs sont également exemptés de la redevance sur les combustibles pour le diésel et l’essence utilisés dans les exploitations agricoles pour faire fonctionner les moissonneuses-batteuses, les tracteurs, les camions et d’autres machines.

Incidemment, le directeur parlementaire du budget estime que, dans le cadre du système de tarification du carbone, en 2023-2024, les agriculteurs des huit provinces et territoires paieront 13 millions de dollars pour le propane et 63 millions de dollars pour le gaz naturel, pour un total de 76 millions de dollars. Il convient également de noter que 58 % de ce total seront payés par les agriculteurs de l’Ontario, 22 % par ceux de l’Alberta, près de 16 % par ceux de la Saskatchewan et près de 4 % par ceux du Manitoba. Les agriculteurs des provinces de l’Atlantique paieront moins de 1 % du total.

Il convient aussi de signaler que, même si le prix du carbone a augmenté de 15 $ la tonne le 1er avril dernier pour passer à 65 $ la tonne en 2023-2024, les agriculteurs qui utilisent du gaz naturel ont payé en moyenne moins cher pour cette ressource cette année, car le prix des produits de base a baissé par rapport à l’année dernière.

[Français]

L’autre fait à retenir, c’est l’adoption du projet de loi C-8, intitulé Loi portant exécution de certaines dispositions de la mise à jour économique et budgétaire du 14 décembre 2021 et mettant en œuvre d’autres mesures. Le parrain de ce projet de loi au Sénat était mon collègue le sénateur Clément Gignac. Le 10 juin 2022, à l’étape de la deuxième lecture, il a décrit quatre modifications à la Loi de l’impôt sur le revenu introduites par le projet de loi C-8. La quatrième modification disait ce qui suit :

Quatrièmement, en reconnaissant qu’un grand nombre d’agriculteurs utilisent le gaz naturel et le gaz propane dans le cadre de leurs activités, le projet de loi C-8 propose de rembourser, au moyen de crédits d’impôt remboursables, les produits issus de la tarification de la pollution directement aux entreprises agricoles dans les provinces où la redevance fédérale sur les combustibles s’applique [...]

[Traduction]

La procédure requise pour accorder le crédit d’impôt remboursable aux agriculteurs est maintenant en place. On peut la résumer de la façon suivante. Dans chaque province, on crée un fonds où iront les recettes de la taxe sur le carbone payée par les agriculteurs. Le montant recueilli sera réparti entre les agriculteurs de la province sous forme de crédit d’impôt. La proportion attribuée à chaque agriculteur est déterminée selon un pourcentage équivalent au total de ses dépenses divisé par le total des dépenses de l’ensemble des agriculteurs de la province.

Le récent rapport du Comité de l’agriculture sur le projet de loi C-234 contient une série de recommandations intéressantes qui ont été adoptées à l’unanimité. Par exemple, on recommande que le ministère des Finances travaille avec l’Agence du revenu du Canada pour que le remboursement soit octroyé de façon plus précise et efficace aux fermes qui utilisent du gaz naturel et du propane. Le comité a aussi indiqué que, si le projet de loi C-234 est adopté, il faudra apporter un ajustement au régime prévu dans la Loi de l’impôt sur le revenu afin d’éviter la double indemnisation. Les autres recommandations portent sur les technologies alternatives, le soutien pour l’adoption de technologies propres en agriculture et le fait que les changements climatiques constituent une menace importante et grandissante pour la stabilité du secteur agricole canadien.

En conclusion, la crise climatique cause des décès et de la souffrance au Canada et dans le monde entier, comme on l’a dit à maintes reprises dans cette enceinte indépendante. Nous avons tous respiré la fumée. Les émissions continuent d’augmenter. Nous savons ce qui attend les jeunes et les générations futures — à moins que nous agissions de toute urgence. C’est pourquoi notre groupe, les Sénateurs pour des solutions climatiques, nous a exhortés à en faire plus. Saisissons toutes les occasions d’agir.

Chers collègues, quel est le prix de l’air que nous respirons? Quel est le prix à payer pour que nos petits-enfants jouent dehors? Quel est le prix de cette Terre miraculeuse? Réitérons notre appui à la tarification du carbone et à une économie plus verte.

(1530)

En conclusion, le rapport du Comité de l’agriculture et des forêts devrait faire partie de l’équation dans le cadre d’un débat approfondi qui mènera à des discussions justes sur tous les amendements et tous les points de vue exprimés au Sénat, comme le dirait la sénatrice Duncan.

Merci. Meegwetch.

[Français]

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Le sénateur Dalphond accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Dalphond : Avec plaisir.

Le sénateur Boisvenu : Sénateur, la taxe sur le carbone semble être une religion au sein du gouvernement de Justin Trudeau. Pourtant, lorsqu’on regarde les chiffres par rapport à la réduction des gaz à effet de serre, la Colombie-Britannique, qui est la province la plus taxée pour le carbone, a augmenté ses émissions de gaz de 4 % de 2008 à 2019. De plus, la Nouvelle-Écosse, qui est la province la moins taxée pour le carbone, a réduit ses émissions de gaz à effet de serre de 36 % au cours de la même période.

Pouvez-vous m’expliquer cette logique?

Le sénateur Dalphond : Merci, sénateur Boisvenu.

Honorables sénateurs, il faudrait comparer les taux de croissance de la Nouvelle-Écosse et de la Colombie-Britannique sur le plan de la population et du rendement économique, par exemple. Vous verriez qu’il y a beaucoup d’explications possibles pour l’augmentation des gaz à effet de serre qui sont produits, parce que, en effet, si on a plus d’usines, on produit plus d’émissions de carbone.

Sénateur Boisvenu, vous avez tout à fait raison de dire que la lutte aux changements climatiques demande de la détermination. Il ne faut pas regarder les chiffres dans l’abstrait. Il faut s’attaquer directement au problème, soit la réduction des gaz à effet de serre. C’est ce que fait la taxe sur le carbone, qui vise à obtenir des changements de comportements. Des économistes, dont des lauréats du prix Nobel, l’ont dit. Tout le monde est d’accord pour dire que c’est la meilleure politique à adopter.

Merci.

[Traduction]

L’honorable David Richards : Le sénateur Dalphond accepterait-il de répondre à une autre question?

Son Honneur la Présidente : Sénateur, je suis désolée, le temps prévu pour le débat est écoulé.

(Sur la motion de la sénatrice LaBoucane-Benson, le débat est ajourné.)

[Français]

Projet de loi portant sur un conseil national de réconciliation

Troisième lecture—Débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Audette, appuyée par l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-29, Loi prévoyant la constitution d’un conseil national de réconciliation, tel que modifié.

L’honorable Michèle Audette : Merci, honorables sénateurs et sénatrices.

[Note de la rédaction : La sénatrice Audette s’exprime en innu‑aimun.]

Je remercie également le peuple anishinabe. Merci de m’accueillir chez vous tous les jours, et ce, pour encore longtemps, je l’espère, le temps de vivre mon expérience en tant que sénatrice.

Merci également à mes collègues sénateurs et sénatrices.

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour échanger avec vous et discuter du projet de loi C-29, Loi prévoyant la constitution d’un conseil national de réconciliation.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, il est important de retracer — j’aime beaucoup l’histoire — ce qui a été fait ici, dans cette Chambre, ce que vous avez fait bien avant que certains d’entre nous arrivent au Sénat.

Comme vous l’avez peut-être entendu quand j’ai prononcé mon discours inaugural, j’aime beaucoup parler des perles, du portage, du chemin de la guérison et ainsi de suite.

Chaque perle que nous déposons a quelque chose de précieux qui permet d’atteindre la voie de la guérison, et donc le chemin vers la réconciliation et la guérison, mais aussi le chemin vers la construction d’une nouvelle relation et le maintien de celle qui existe déjà, une relation qui est, bien sûr, fondée sur le respect, le partenariat et la reconnaissance des droits.

En 2007, nous étions tous très vivants et très vivantes. Pour ceux et celles qui s’en souviennent, nos leaders, les membres de nos familles et les personnes qui ont été affectées par les pensionnats ont travaillé très fort pour arriver à un règlement relatif aux pensionnats indiens visant à assurer une réparation. Ce règlement contenait plusieurs dispositions, dont celle ayant trait à la mise sur pied d’une Commission de vérité et réconciliation. On a évidemment parlé de présenter des excuses. Ce sont les leaders, les gens de cette époque que je tiens à remercier pour leur courage et leur détermination, qui nous permettent aujourd’hui de poursuivre ce qu’ils ont commencé, pour prendre un nouveau départ et aller de l’avant, et ce, en partenariat.

En juin 2008, le premier ministre Stephen Harper a présenté des excuses aux peuples autochtones. Pour plusieurs d’entre nous, et pour moi aussi, ces excuses étaient importantes. Elles étaient plus que symboliques. Elles venaient mettre des mots à nos maux et à plusieurs de nos souffrances.

Dans son message, que je vous invite à relire, le premier ministre Harper s’est excusé auprès des Premières Nations, des Métis et des Inuits pour ceux et celles qui ont vécu les effets des pensionnats ou ont subi des sévices dans les pensionnats.

Voici une partie de son message :

Le gouvernement reconnaît que l’absence d’excuses a nui à la guérison et à la réconciliation. Alors, au nom du gouvernement du Canada et de tous les Canadiens et Canadiennes, je me lève devant vous, dans cette chambre si vitale à notre existence en tant que pays, pour présenter nos excuses aux peuples autochtones pour le rôle joué par le Canada dans les pensionnats pour indiens.

En 2015, quelqu’un que nous avons connu et côtoyé, notre ancien collègue l’honorable Murray Sinclair, accompagné des anciens commissaires Wilton Littlechild et Marie Wilson, de la Commission de vérité et réconciliation, ont déposé et rendu public leur rapport final. Beaucoup d’entre nous étaient sur place. J’y étais. On s’en souvient.

Marie Wilson, ancienne commissaire de la Commission de vérité et réconciliation, lors d’une étude menée en 2018 par le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, a expliqué ceci :

Nous avions mené une vaste consultation auprès des Autochtones, la plus vaste de toute l’histoire du Canada, laquelle comprend notamment 130 années où le Canada a forcé les enfants autochtones à étudier dans des pensionnats. Nous avons publié les résultats de nos travaux en 10 volumes. Ils étaient fondés sur près de 300 jours d’audiences publiques dans toutes les régions du pays, d’un océan à l’autre. Ils se fondaient aussi sur les dizaines de rapports de recherche que nous avions commandés et sur des centaines de sources documentées, une liste exhaustive.

Puis, elle a ajouté ce qui suit :

Surtout, nous avons fondé nos conclusions sur près de 7 000 témoignages d’anciens élèves qui ont passé leur enfance dans l’un des plus de 150 pensionnats gérés par l’Église et financés par le gouvernement. Ces personnes ont été isolées de leurs terres traditionnelles et de leurs fondements culturels, séparées de leurs proches et privées du dévouement, de la protection et de l’amour de leurs parents.

Par la suite, le premier ministre Justin Trudeau, après avoir reçu le rapport final de la Commission de vérité et réconciliation, a déclaré ceci :

Aujourd’hui, au nom du gouvernement du Canada, j’ai l’honneur d’accepter le rapport final de la Commission. J’ai le très grand espoir que ce rapport et ses conclusions aideront à apaiser la douleur causée par le système des pensionnats indiens et à rétablir la confiance perdue depuis si longtemps.

Le 3 juin 2021, le Sénat a adopté le projet de loi C-5, afin de créer la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation. Lors du processus législatif menant à la sanction royale du projet de loi, qui répond à l’appel à l’action no 80 de la Commission de vérité et réconciliation, notre collègue le sénateur Francis s’est exprimé ainsi :

Honorables sénateurs, la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation ne constitue qu’une étape. Cependant, c’est la somme de toutes nos actions individuelles et collectives, de tous les appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation, qui, une fois mis en œuvre, mèneront à une nouvelle normalité. En suivant cette voie, notre pays continuera de progresser dans la bonne direction.

Toujours dans cette Chambre, chers collègues, on a adopté la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, pour donner suite aux appels à l’action nos 43 et 44 de la Commission de vérité et réconciliation.

Bien sûr, vous avez également emboîté le pas avec la Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté, qui répondait à l’appel à l’action no 94 de la Commission de vérité et réconciliation.

Des choses se sont passées, et il est important pour moi de les exprimer.

[Traduction]

Près de huit ans se sont écoulés depuis que la Commission de vérité et réconciliation du Canada a publié son rapport final et les 94 appels à l’action. Ces appels à l’action représentent des pistes de solution et un plan pour tous les pouvoirs publics, partout au pays. Je parle des gouvernements aux niveaux municipal, provincial et territorial. Je parle du secteur de l’éducation et de la santé et du secteur privé. Ces appels à l’action visent tout le Canada. Il nous incombe à tous de faire notre part.

(1540)

À mon avis, il est également très important de nous rappeler que nous devons veiller à ce que les peuples autochtones soient respectés, valorisés et, évidemment, pris en compte aujourd’hui, demain et dans l’avenir.

[Français]

C’est ce que le projet de loi C-29 vous propose, car il vise à établir un conseil national de réconciliation. Voici une perle de plus, une action de plus à se donner pour nous assurer de réaliser au Canada des progrès importants sur ce chemin commun qu’est la réconciliation.

Le projet de loi C-29 répondra aux appels à l’action nos 53 à 56 du rapport de la Commission de vérité et réconciliation du Canada. Il créera un conseil national responsable de surveiller les progrès en matière de réconciliation au Canada, de publier des rapports et de faire des recommandations à ce sujet.

De plus, le projet de loi C-29 permettra, conformément à un plan d’action pluriannuel, de faire de la recherche. La recherche est importante, les données sont importantes. Le fait d’arrimer les savoirs et les sciences des deux grands, Autochtones et Occidentaux, est primordial pour faire progresser la réconciliation, et ce, notamment dans l’espoir de proposer de nouvelles façons de faire et de nouveaux programmes pour sensibiliser les gens qui sont à l’extérieur des appareils gouvernementaux.

Marie Wilson, ex-commissaire de la Commission de vérité et réconciliation, est venue témoigner devant le comité tout récemment au moment de l’étude du projet de loi. Elle nous a rappelé ce qui suit :

Nous savons tous, je l’espère, que nous avons perdu plus de la moitié des survivants qui étaient encore vivants à ce moment‑là. Toutes ces années plus tard, nous ne parvenons toujours pas à dire si la situation s’améliore ou empire. De quelles sources d’inspiration pouvons-nous tirer des leçons? Quelles sont les choses décourageantes et qui se détériorent auxquelles nous devons prêter plus attention? Le conseil national est donc, comme nous l’avons dit alors, essentiel.

[Traduction]

Ce projet de loi a connu un très longtemps parcours. Rappelez‑vous quand j’ai commencé à parrainer cette mesure, comme on dit en anglais, ou à l’épouser, comme je le dirais dans mes mots, je faisais partie d’un groupe alors qu’aujourd’hui, je porte une autre paire de mocassins. Néanmoins, j’éprouve la même passion, les mêmes sentiments et les mêmes émotions. Nous devons nous rappeler que ceux qui étaient engagés dans ce dossier et qui y ont travaillé avant nous sont des acteurs clés. Il s’agit des membres du conseil provisoire et du comité de transition qui ont apporté leurs connaissances, leur passion et leur expertise. Évidemment, je les en remercie. Rappelons-nous ceci : ces acteurs clés dirigés par des Autochtones étaient indépendants et le sont encore aujourd’hui — c’est ce que nous avons demandé — et ils ont joué un rôle déterminant dans ce processus. Je les remercie de tous les efforts qu’ils y ont mis.

[Français]

Il y a déjà presque un an, soit le 1er décembre 2022, ce projet de loi a été adopté à l’unanimité à la Chambre des communes. Je tiens à dire merci à tous ceux et celles qui représentent les partis politiques et à tous les gens qui ont travaillé très fort sur ce projet de loi au comité. Merci.

J’aimerais également remercier mes collègues, les membres du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, qui ont pris le temps d’écouter les 52 témoins, des gens qui ont accepté de venir nous voir et de partager avec nous leurs préoccupations, leur vision ou leur désir d’aller plus loin, et qui ont fait en sorte que le projet de loi a avancé. Il s’agit de plusieurs heures d’étude, sans compter tous les mémoires et les réponses écrites que le comité a reçus. Vous vous souviendrez que cela a été difficile, mais nous l’avons fait et j’ai confiance. Merci à celles et ceux qui sont venus pour partager avec nous, encore une fois, leur vérité.

Leurs témoignages nous ont permis de soulever des observations et d’avoir des échanges constructifs entre collègues au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones et, bien sûr, de proposer des façons de renforcer le projet de loi.

[Traduction]

Après la sanction royale, la première étape en vue de la création du Conseil national de réconciliation sera, bien sûr, l’établissement d’un conseil d’administration, qui sera composé de 9 à 13 personnes qui possèdent des connaissances et de l’expérience en ce qui touche les peuples autochtones et la mission du conseil. Le ministre des Relations Couronne-Autochtones et le comité de transition choisiront le premier groupe de personnes. Elles formeront le premier conseil d’administration, qui devra compter au minimum deux tiers d’Autochtones, un enjeu qui était très sensible. Il est important que je dise ce qui suit en français, parce que je serai plus à l’aise.

[Français]

Les organisations détentrices de droits, qu’est-ce que cela veut dire pour une femme innue, une femme québécoise? Je porte mes deux cultures.

Par exemple, je fais partie de la communauté d’Uashat mak Mani-utenam, et mon conseil de bande si l’on utilise le jargon de la Loi sur les Indiens... Notre chef va participer s’il le souhaite, que j’aie voté ou non pour cette personne. C’est notre forme de gouvernance, que je respecte complètement, peu importe où l’on habite, peu importe le lieu de résidence. Nos élus peuvent participer à l’assemblée des chefs du Québec et du Labrador qui, elle aussi, peut participer, et ce, toujours à notre discrétion — c’est nous, les élus des communautés, qui avons ce pouvoir — à l’assemblée des chefs.

C’est ce que cela veut dire lorsqu’on parle d’organisations détentrices de droits.

Nous confions un mandat, comme dans la démocratie au Canada, où il est possible d’adhérer à un parti politique ou à un mouvement social; c’est votre droit individuel. C’est très important lorsqu’on parle de ces organisations. Elles ont été très sensibles à la façon dont on allait organiser ou proposer ce conseil d’administration.

À cause de cette sensibilité, bien entendu, des échanges se feront justement pour s’assurer que les Inuits, les Métis et les Premières Nations membres de ces organisations politiques détentrices de droits puissent nommer des gens pour siéger au conseil d’administration.

Nous avons eu également beaucoup de commentaires et d’échanges sur la présence de femmes, d’hommes, de jeunes et de moins jeunes, de gens qui vivent dans le Nord, de gens qui ont des connaissances, des anciens pensionnaires ou de ceux et celles qui sont issus de la deuxième génération.

Lorsqu’on examine la disposition du projet de loi sur qui peut devenir membre ou être membre, on retrouve ces personnes; elles sont bien présentes. Bien sûr, elles sont là également pour représenter ceux et celles qui parlent le français comme deuxième langue ou comme première langue. Pour certaines des nations autochtones au Québec, c’est le français qui est la première langue. On s’assure donc d’avoir aussi un espace pour ces gens et pour ceux et celles qui veulent garder leur langue autochtone. C’est un exercice qui sera important pour le conseil d’administration, qui devra s’assurer que cette mosaïque et cette expertise issues de différents territoires et de différents milieux soient autour de ce grand cercle.

Pour ceux qui étaient présents, vous vous souvenez sûrement de M. Case, qui fait partie du comité de transition. Il portait une veste pleine de perles. Je vais faire un commentaire très important et le paraphraser.

Il nous a dit qu’il ne fallait pas laisser la perfection être l’ennemi du bien. Autrement dit, il faut bien comprendre que lorsqu’on commence quelque chose, ce n’est pas toujours parfait, mais c’est fondamental et c’est important.

Une fois que le conseil d’administration sera choisi, bien sûr, toute la dimension technique sera primordiale pour incorporer cette organisation dans la loi touchant les organisations sans but lucratif, pour que le conseil puisse obtenir son statut d’organisme sans but lucratif, ce qui lui donnera en même temps un statut juridique lui permettant d’obtenir des contrats; la plupart d’entre nous ont œuvré dans ce genre d’organismes sans but lucratif. On peut avoir notre propre nom, on peut aussi signer des contrats, mais surtout, dans ce cas-ci, on peut être à l’extérieur de l’appareil gouvernemental.

(1550)

C’était un appel à l’action très important de la Commission de vérité et réconciliation de s’assurer que l’organisation joue un rôle indépendant. Il faut souligner à nouveau, pour moi et les gens qui ont suivi les travaux, l’importance de l’indépendance.

[Traduction]

Des témoins ont soulevé des préoccupations au sujet du financement, c’est-à-dire le manque de financement ou des préoccupations au sujet du financement annuel du conseil prévu dans le projet de loi C-29. C’est un point important que je veux soulever. Cela nous préoccupait en tant que membres du Comité des peuples autochtones, et nous voulons nous assurer que cela figure également dans le rapport à titre d’observation.

Je ne pense pas que j’étais présente le jour où le ministre est venu et que cette question a été soulevée.

Je vais passer en revue ce que le ministre Anandasangaree a dit au sujet du financement.

[Français]

Dans le budget de 2019, on parle de 125,6 millions de dollars pour appuyer la mise sur pied, la démarche et les travaux de ce conseil, dont 1,5 million de dollars la première année pour appuyer les opérations et la mise en place, et un fonds de dotation de 125 millions de dollars pour les opérations de ce conseil. C’est donc écrit dans la loi, en plus d’être attaché au budget de 2019.

Il est clair qu’on n’est pas en mesure de savoir, dans la première année, quels sont les coûts. On doit faire confiance aux experts qui ont déjà géré de plus gros fonds que ces 126 millions de dollars pour une fondation semblable qui touche les peuples autochtones. Cette confiance est importante, bien sûr.

Merci à mes collègues pour les questions posées lors du passage du ministre. Le ministre Anandasangaree s’est engagé à appuyer un financement supplémentaire si une telle demande du conseil était déposée, et il a dit ce qui suit :

Dans ce cas particulier, l’une des principales recommandations de la Commission de vérité et réconciliation est que le conseil soit indépendant. Il serait indépendant du gouvernement, ce qui signifie qu’il ne dépendrait pas du gouvernement. Le montant initial de 125 millions de dollars est un investissement important dans un fonds de dotation qui assurera au conseil la capacité de fonctionner d’une manière robuste dès le départ. Maintenant, au fur et à mesure que le conseil sera mis en œuvre et que celui-ci élaborera un plan d’action et déterminera la portée des travaux et les exigences budgétaires, nous devons être ouverts à l’idée d’augmenter le financement. Pour ma part — et je peux vous assurer qu’il en est de même pour le gouvernement —, je répondrai à cet appel. Comme point de départ, 125 millions de dollars, c’est une somme importante, vous en conviendrez, qui permettra de démarrer. Au fur et à mesure que le plan de travail sera élaboré et mis en œuvre, nous serons certainement ouverts à d’autres conversations, et je m’engage personnellement à appuyer un financement supplémentaire au besoin.

Ensuite, on a écouté les représentants des organisations politiques. Vous vous rappelez certainement qu’au printemps dernier, Inuit Tapiriit Kanatami (ITK) a soulevé certains enjeux concernant les organisations détentrices de droits qui travaillent déjà à la réconciliation et à préserver l’intégrité des mécanismes bilatéraux en place. Je remercie mon collègue le sénateur Patterson qui a travaillé avec ces organisations et le gouvernement pour proposer des amendements. Nakurmiik, merci pour les travaux que vous avez faits.

Grâce à nos relations, dans mon magnifique petit bureau, on a essayé de comprendre, avec les membres du comité de transition et les bureaux politiques, comment il fallait s’assurer que ce conseil n’a pas le rôle de la case à cocher quand un gouvernement décide de consulter une organisation autochtone. Non, il ne faut pas que cela fasse ombrage au travail important que vous avez entrepris avec les gouvernements, dont le gouvernement fédéral. C’est super important. Merci pour les amendements proposés à cet effet.

[Traduction]

Cela dit, l’amendement adopté par le Comité des peuples autochtones reconnaissait que le conseil ne remplacera pas les relations existantes de nation à nation, entre les Inuits et la Couronne ou de gouvernement à gouvernement. C’est très important. Ce conseil sera tout à fait différent du mécanisme bilatéral permanent et de la relation déjà en place. Ce ne sera pas un mandataire du gouvernement du Canada. C’est très important.

Il s’agira d’un organisme apolitique dirigé par un solide leadership autochtone qui fonctionne indépendamment du gouvernement et qui favorise et surveille les progrès vers la réconciliation.

Dans les trois mois suivant la fin de chaque exercice financier, le conseil doit présenter un rapport annuel au ministre des Relations Couronne-Autochtones sur l’état de la réconciliation et sur ses recommandations. Dans les 60 jours suivant la publication de ce rapport, le premier ministre doit, au nom du gouvernement du Canada, y répondre en publiant un rapport annuel sur la situation des peuples autochtones qui décrit les plans du gouvernement du Canada pour faire progresser la réconciliation.

[Français]

La question reste à savoir comment le conseil obtiendra l’information dont il a besoin pour s’acquitter de ses tâches et de son mandat. Le projet de loi C-29 fournit des directives claires à cet effet. Cela veut dire que le projet de loi obligerait le ministre des Relations Couronne-Autochtones, en collaboration avec le conseil national, à élaborer un protocole de données selon lequel le gouvernement du Canada divulguerait les renseignements au conseil. Le projet de loi C-29 prévoit l’élaboration de ce protocole dans les six mois suivant sa constitution.

Un tel protocole permettait de coordonner et de simplifier la communication des renseignements provenant de plusieurs ministères fédéraux tout en respectant, bien sûr, les dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Il y a des précédents qui existent au Québec. Quand nous avons des lois et des protocoles, plusieurs gens peuvent enfin prendre le chemin de la guérison. C’est un autre sujet.

Si le conseil avait un ou des intérêts avec une province ou un territoire, elle aurait la capacité et la latitude de négocier d’autres ententes.

Honorables sénateurs, notre responsabilité est de donner un coup de plus, de faire un pas de plus pour nous assurer de pouvoir célébrer, ou apprendre de ce qui se fait ou de ce qui devrait se faire et d’y réagir. L’importance de l’indépendance de ce conseil est un principe fondamental. C’est très important.

Le ministre Anandasangaree, lors de l’étude, nous a rappelé qu’il est important pour son gouvernement que ce conseil soit indépendant.

En conclusion, chers collègues sénatrices et sénateurs, il y a des personnes qui nous marquent parfois. Il y a des gens qui nous touchent, mais il y a aussi ceux et celles qu’on aime. Je me souviens de cet homme, M. Jay Launière-Mathias, qui a participé à une marche, l’an dernier, de Mashteuiatsh jusqu’à Québec pour rencontrer le pape. Il nous a gentiment rappelé de ramener le message à l’essentiel, soit de soutenir les survivantes et survivants des pensionnats autochtones.

Notre collègue et amie la sénatrice Greenwood m’a aussi touchée par ses paroles, et je la cite :

Parfois, le but est déjà là. L’objectif est d’aider les survivants et de mettre en avant le cadeau qu’ils nous ont fait en racontant leurs histoires.

[Traduction]

La colonisation fait partie intégrante du tissu social, économique, politique et culturel du Canada. Il ne sera pas facile de l’en extirper et de réparer les torts causés par son héritage, mais nous devons le faire. Il faut reconnaître que bon nombre d’entre nous ont déjà commencé à s’engager dans cette voie.

(1600)

Alors que nous débattons aujourd’hui de ce projet de loi dont nous sommes saisis, j’exhorte mes collègues — et je le fais avec amour, évidemment — à demeurer concentrés sur un objectif clair : la promotion de la réconciliation.

Le projet de loi représente une étape cruciale de ce parcours. Il répond directement à quatre appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation. Il engage du même coup le Canada à prendre des mesures concrètes année après année — et pas seulement au cours d’une année donnée — pour nous faire progresser sur la voie de la réconciliation. C’est quelque chose de très important.

La mesure législative à l’étude nous permettrait de réaliser une vision et de respecter un pacte majeur ici dans cette assemblée ainsi que, bien sûr, à l’échelle de ce grand pays qu’est le Canada, l’île de la Tortue, l’endroit où j’habite.

La création d’un conseil national de réconciliation s’impose depuis longtemps. Une telle initiative amènera également de plus en plus de personnes à lire ou à appuyer le rapport qui est publié chaque année, même les organisations politiques nationales. Il se peut qu’elles l’utilisent ou y ajoutent quelque chose. Elles pourraient aussi ne rien faire, et c’est normal. Nous ne sommes pas tous pareils et, à mon avis, c’est ce qui nous rend spéciaux. C’est ce qui fait notre force.

[Français]

J’aimerais maintenant vous faire part, encore une fois, d’une citation de M. Case, du comité de transition; certains d’entre vous ont vu le travail de perlage sur son manteau. Il s’est exprimé ainsi :

Je suis assez bon dans le travail des perles.

À titre de perleuse, je peux vous dire qu’il est incroyable.

Il a poursuivi en disant ce qui suit :

Est-ce que je pense que cette veste est parfaite? Absolument pas. Pour vous, elle peut le paraître, mais je peux voir qu’il y a encore des choses que j’améliorerais. Toutefois, cela ne veut pas dire qu’il ne s’agit pas d’une magnifique veste et qu’elle ne devrait pas être portée en public et bien paraître.

Je vais terminer sur une note personnelle. On parle aux gens qu’on aime pour comprendre l’impact que tout cela pourrait avoir, pour savoir quelles modifications seraient utiles ou encore pour demander : « Suis-je à la bonne place, maman, par rapport à ce projet de loi? »

J’aimerais vous parler de Nishapet, une femme qui est née dans le bois. C’est une femme qui n’a pas connu les hôpitaux; elle est née dans le bois et fait même partie de ceux et celles qui y ont quasiment laissé leur vie et leur peau en raison des grandes famines que notre peuple a vécues sur notre territoire, le Nitassinan. Sa mère, qui est nomade, lui a dit : « Nishapet, tu dois aller à l’école; tu dois être éduquée. Tu seras la seule dans la famille à être éduquée. »

On parlait des pensionnats à cette époque; il s’agit ici de ma belle-mère, qui est âgée de 82 ans. Le fait de vivre dans les pensionnats va provoquer la coupure draconienne que l’on connaît, dont on a entendu parler et que l’on voit, dans son intégrité et dans sa dignité de femme innue, mais aussi dans sa relation avec ses fils, avec ses enfants.

C’est la même chose pour ma mère, Evelyne. Elle s’est fait dire : « Tu vas à l’école; tu vas y aller et tu vas rester là. » Elles ont subi alors, comme des milliers de personnes, des sévices et des situations particulières.

Cependant, lors de la visite du pape l’an dernier, j’étais avec elles tous les jours et je leur disais que j’entendais certaines personnes dire : « Je ne veux rien savoir des excuses », alors que d’autres disaient : « Enfin, j’entends quelque chose. »

À la fin de la visite, ces deux femmes m’ont dit : « Finalement, pourquoi doit-il être le seul à présenter des excuses? Pourquoi le Canada ne met-il pas un programme en place? »

Je leur ai dit : « Bien sûr, il y a plein de choses qui se passent, maman. » Tout cela pour vous dire que, le 30 septembre dernier, nous avons légiféré à ce sujet; nous avons amené une société et des gouvernements à se mobiliser autour d’un projet de loi qui fait maintenant partie de notre culture au Canada et qui a assuré une mobilisation, une éducation et une autonomisation. Vous allez au centre commercial, vous allez partout et vous pouvez voir des gens qui ne sont pas issus d’une nation ou d’un peuple inuit ou métis, mais qui portent fièrement le gilet orange; il y a une pédagogie qui se fait autour de la question.

À partir de ce moment, les deux femmes me disent : « C’est beau de voir les gens marcher avec nous. Cela aurait dû être fait depuis longtemps, mais tu peux les remercier. »

Ce sont de petites paroles comme celles-là qui me font dire que cela vaut la peine de venir ici tous les jours, parce qu’il y a du bon monde. Nous ne sommes pas toujours d’accord, mais pour certaines choses, nous sommes ceux qui doivent porter ce message au nom des femmes et des hommes qui ont vécu ces histoires atroces, mais qui ont aussi, tout comme moi, beaucoup d’espoir. Je suis une personne très optimiste. Si vous m’aviez vue avant, je l’étais peut-être moins, mais en vieillissant, une certaine sagesse s’est installée.

Je suis une personne optimiste, peu importe les traumatismes multigénérationnels ou intergénérationnels. J’ai de l’espoir et de la détermination.

Imaginez, si nous avions une approche concertée et coordonnée partout au pays, comme bien des gens le font au sein de communautés ou de milieux en créant de belles initiatives, qui sont mises sur pied pour que l’on se rapproche et qu’on apprenne à se connaître, à se mobiliser ou à marcher ensemble en vue d’une réconciliation.

C’est de cette façon que j’entrevois ce conseil national; il pourrait nous permettre de faire un pas de plus et d’être meilleurs. Nous avons le droit d’être meilleurs.

Pour terminer, j’aimerais vous dire ce qui suit : j’ai déposé une petite perle lors de mon discours inaugural dans cette enceinte; j’en dépose une autre aujourd’hui et c’est à vous de la cueillir, de la prendre ou juste de la regarder. Je vais respecter votre choix, mais elle répondra à des appels à l’action, et nous devrions nous faire un cadeau.

[Traduction]

Nous devons en faire plus, nous devons aller de l’avant et nous devons concevoir ce projet ensemble. J’espère que vous allez appuyer ce projet de loi. À ma mère et ma belle-mère, je dis merci.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénatrice McCallum, avez-vous une question?

L’honorable Mary Jane McCallum : En tant qu’ancienne élève d’un pensionnat autochtone, j’aimerais corriger un point.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Souhaitiez-vous poser une question, sénatrice McCallum?

La sénatrice McCallum : D’accord, je vais poser une question.

[Français]

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénatrice Audette, accepteriez-vous de répondre à une question?

La sénatrice Audette : Oui.

[Traduction]

La sénatrice McCallum : Cela fait trois fois que j’entends qu’une vaste consultation a été menée auprès des survivants des pensionnats autochtones. En tant qu’ancienne élève, il m’a fallu huit heures pour raconter mon histoire. On ne peut pas mener de consultation lorsqu’on nage en pleine obscurité et qu’on commence à peine à faire le tri des expériences. Ne croyez-vous pas que le fait de reléguer au rang de consultation ces témoignages faits en public au sujet de douloureux souvenirs personnels est blessant pour ces anciens élèves? Merci.

[Français]

La sénatrice Audette : Merci beaucoup. Si les choix de mots font mal, j’en suis désolée. Si les mots que j’ai utilisés pour les citations d’une ancienne commissaire vous ont blessée, j’en suis désolée. Cependant, pour beaucoup de gens dans ma famille — et pour moi qui y ai participé en parallèle —, quand on nous a demandé s’il s’agissait d’une consultation claire et précise, je pourrais peut-être répondre qu’on nous a bien demandé si nous avions des recommandations ou des suggestions à faire.

Cela dépend des régions, j’imagine, mais il n’y aura jamais assez de dialogues — on peut éliminer le terme « consultations ». Je prends toutefois bonne note de votre message, parce qu’il est important; vous faites partie de ceux et celles à qui l’on a imposé de vivre ces traumatismes. Je suis vraiment désolée; je ferai attention.

Je veux tout de même honorer ceux et celles qui ont demandé que nous en fassions plus. Ensemble, peut-être pouvons-nous choisir de meilleurs mots pour en faire plus collectivement.

[Traduction]

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, je prends la parole à titre de porte-parole officielle de l’opposition à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-29, Loi prévoyant la constitution d’un conseil national de réconciliation.

(1610)

Le projet de loi C-29 prévoit un cadre pour la mise en œuvre d’un conseil national de réconciliation. L’appel à l’action no 53 de la Commission de vérité et réconciliation du Canada énonce les conditions de la création du conseil, comme suit :

Nous demandons au Parlement du Canada d’adopter, en consultation et en collaboration avec les peuples autochtones, des dispositions législatives visant à mettre sur pied un conseil national de réconciliation. Plus particulièrement, nous demandons que ces dispositions établissent le conseil en tant qu’organisme de surveillance indépendant de portée nationale dont les membres, autochtones et non autochtones, sont nommés conjointement par le gouvernement du Canada et des organisations autochtones nationales.

Comme je l’ai dit à l’étape de la deuxième lecture : « C’est l’avenir des peuples autochtones qui doit être au cœur des efforts de réconciliation [...] » En tant que sénateurs, nous avons l’importante responsabilité de veiller à ce que notre travail soit accompli dans l’intérêt de toutes les personnes qui seront les plus touchées par le projet de loi.

Je tiens à saisir cette occasion pour souligner le travail de la sénatrice Audette en tant que marraine du projet de loi, du sénateur Francis en tant que président du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, et pour remercier tous les membres du comité, la greffière, les analystes et les chercheurs pour tous leurs efforts à l’égard de cet important projet de loi. Dans le cadre des travaux du comité, des témoins et des représentants d’organisations nous ont présenté des témoignages convaincants et transmis des connaissances importantes.

Le projet de loi C-29, dans sa forme actuelle, reconnaît les groupes suivants : l’Assemblée des Premières Nations, l’Inuit Tapiriit Kanatami, le Ralliement national des Métis et l’Association des femmes autochtones du Canada. Le projet de loi leur garantit à tous un siège au sein du conseil d’administration.

J’appuie le projet de loi C-29 et le travail de ces importants organismes nationaux. La réconciliation avec les Autochtones est au cœur du parcours continu du Canada vers la reconnaissance des torts du passé et la création d’un avenir plus juste et équitable pour tous les Canadiens, qu’ils soient Autochtones ou non. La réconciliation représente un engagement à guérir les blessures historiques infligées aux peuples autochtones, à réparer les relations brisées entre les Canadiens autochtones et non autochtones et à bâtir un pays où les cultures, les contributions et les droits des peuples autochtones sont pleinement reconnus et respectés.

Il est essentiel de reconnaître les injustices historiques commises contre les peuples autochtones du Canada. Depuis des siècles, les communautés autochtones ont fait face à l’éviction forcée de leurs terres ancestrales, à l’imposition des pensionnats et à la discrimination, qui persiste depuis des générations. Les conséquences de ces mesures se font encore sentir aujourd’hui sous la forme de disparités économiques, d’inégalités en matière de santé et de problèmes sociaux qui touchent de façon disproportionnée les collectivités autochtones.

Essentiellement, le projet de loi C-29 constitue une étape importante vers la réconciliation entre les Autochtones et non-Autochtones du Canada. Près de huit ans après la publication du rapport de la Commission de vérité et réconciliation, nous sommes enfin saisis d’un projet de loi visant à donner suite à l’appel à l’action no 53, qui vise à créer un conseil national pour la réconciliation.

À mon avis, l’appel à l’action est une étape importante vers la réconciliation. Si nous voulons évaluer rigoureusement les progrès de la réconciliation au Canada, nous devons disposer d’un conseil national capable de surveiller, d’évaluer et de faire rapport, afin d’assurer la responsabilité du gouvernement. Le gouvernement doit répondre dans les 60 jours au rapport annuel qui résume les plans du gouvernement du Canada pour faire avancer la réconciliation.

De nombreuses préoccupations ont été exprimées dans les témoignages et les discours prononcés à l’étape de la deuxième lecture. Par exemple, lors de son discours en deuxième lecture, la sénatrice Anderson a soulevé l’importante question des consultations, ou de l’absence de consultations, du gouvernement avec les peuples autochtones. Cela va à l’encontre des appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation, selon lesquels les consultations doivent être menées auprès des organismes autochtones et non pas auprès d’entités triées sur le volet par le gouvernement. Je partage cette préoccupation, car, trop souvent, le gouvernement fédéral consulte qui il veut.

Dans son discours sur le rapport de la commission, le sénateur Francis a fait valoir à juste titre que la Commission de vérité et réconciliation s’est appuyée sur des recherches et des consultations pour recommander la création d’un conseil national. D’après mon expérience, le gouvernement fédéral, dans son ensemble, utilise trop souvent le terme « consultation » de manière très large. En ce qui concerne le projet de loi C-29, la consultation des organisations autochtones est cruciale.

Pendant l’étude en comité, nous avons entendu toute une gamme de témoins, notamment des organisations nationales, des associations provinciales et divers intervenants dont des jeunes. Certains témoins, particulièrement l’organisme Inuit Tapiriit Kanatami, l’ITK, ont dit craindre que la création du conseil national de réconciliation ait une incidence sur les mécanismes bilatéraux et les consultations gouvernementales. Le comité a adopté des amendements qui confirment bien, je l’espère, que la création du conseil telle qu’elle est prévue par le projet de loi ne devrait pas nuire à ces mécanismes.

Enfin, de nombreux témoins ont signalé au comité leurs préoccupations quant à la composition du conseil d’administration. Comme on peut le voir à l’article 10, le projet de loi C-29 garantit actuellement un siège au conseil d’administration à quatre des cinq organisations nationales, soit l’Assemblée des Premières Nations, l’ITK, le Ralliement national des Métis et l’Association des femmes autochtones du Canada.

Honorables sénateurs, une seule organisation nationale, le Congrès des peuples autochtones, ou CPA, ne figure pas dans le projet de loi. Depuis plus de 50 ans, le CPA défend les droits et les intérêts des gens des Premières Nations qui n’ont pas le statut d’Indien et qui vivent en région urbaine et à l’extérieur des réserves, ainsi que des Métis et des Inuits du Sud. Il est souvent le seul à représenter ces communautés autochtones. Pendant l’étude du Comité permanent des affaires autochtones et du Nord de la Chambre des communes, un amendement a été proposé pour que le Congrès des peuples autochtones et l’Association des femmes autochtones du Canada fassent partie des organismes auxquels on garantit un siège au conseil d’administration.

Cet amendement a été adopté à la majorité. Cependant, une fois à l’étape du rapport, le gouvernement a décidé d’annuler la décision du comité en retirant au Congrès des peuples autochtones son siège garanti au conseil d’administration. En comité, nous avons entendu des témoignages qui justifiaient certainement qu’on garantisse au congrès un siège au conseil. Par conséquent, au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, j’ai proposé un amendement visant à garantir au congrès un siège au conseil d’administration, avec les quatre autres groupes. L’amendement a été rejeté de justesse en raison d’une égalité des voix.

Honorables sénateurs, comme je l’ai dit plus tôt dans mon discours, j’appuie le projet de loi. Je crois que le projet de loi C-29 est une étape importante de la réconciliation. J’ai soulevé la question de la représentation au sein du conseil d’administration parce que je crains, comme certains de mes collègues du comité, que le gouvernement supprime une voix importante. À mon avis, cette décision va à l’encontre de l’esprit du projet de loi puisque le gouvernement choisit lui-même qui il accepte ou refuse.

Le préambule du projet de loi C-29 énonce clairement ce qui suit : « [attendu que le gouvernement du Canada] reconnaît la nécessité que soit constitué un organisme indépendant, apolitique et permanent qui doit être dirigé par des Autochtones ». Comme vous pouvez le constater, chers collègues, le projet de loi C-29 est clair : le conseil national de réconciliation doit être apolitique. Pourtant, la décision du gouvernement d’accepter l’Association des femmes autochtones du Canada et non le Congrès des peuples autochtones semble politique. Au lieu d’accepter les deux organisations, comme l’avait fait le comité de la Chambre, le gouvernement semble avoir appliqué un ensemble particulier de règles à l’association, mais pas au congrès. Le gouvernement a annulé la décision du comité. Il est injuste de ne pas permettre au congrès de faire partie du conseil d’administration alors que le comité de l’autre endroit lui avait accordé un siège permanent, à lui et à l’association.

L’objectif du conseil est de favoriser la réconciliation entre les Autochtones et les non-Autochtones. Comment la réconciliation peut-elle progresser pour tout le monde lorsqu’une organisation nationale comme le Congrès des peuples autochtones est écartée? En mon âme et conscience, je ne peux pas rester les bras croisés.

Les témoignages entendus par le comité étaient convaincants. Le sénateur Brazeau a donné un excellent aperçu de la longue histoire du Congrès des peuples autochtones. Il a fourni un contexte important pour mieux comprendre qu’il existe cinq organisations nationales et que le Congrès des peuples autochtones a un patrimoine historique. Son témoignage était important, et je le remercie de ses propos perspicaces.

Comme l’a dit le vice-chef national du Congrès des peuples autochtones, Kim Beaudin :

Ce n’est pas parce que nos gens quittent la réserve que leurs traumatismes disparaissent. La réconciliation ne peut se limiter à certains groupes; elle doit s’adresser à tous.

Honorables sénateurs, il s’agit d’une déclaration percutante : la réconciliation doit inclure tout le monde.

(1620)

Avec ses 11 organismes provinciaux et territoriaux affiliés, le Congrès des peuples autochtones, ou CPA, peut fournir des points de vue importants provenant de différentes régions du pays et continuer de faire avancer la réconciliation au Canada. En ajoutant le CPA, un cinquième organisme national, je crois que tous les segments des communautés autochtones au Canada seront mieux représentés.

Inclure le CPA dans le projet de loi C-29 nous permet d’en respecter l’esprit, à savoir que le conseil soit apolitique et indépendant. Garantir que le CPA dispose d’un siège au conseil vise à reconnaître les nombreuses expériences des centaines de milliers d’Autochtones qu’il représente au Canada ainsi que les nombreuses difficultés qu’ils connaissent.

Comme je l’ai dit plus tôt, le Comité permanent des affaires autochtones et du Nord de l’autre endroit a appuyé l’amendement, alors que, au sein de notre comité sénatorial, l’amendement n’a pas été adopté en raison d’une égalité des voix.

Par conséquent, je me tourne maintenant vers vous, honorables sénateurs, pour solliciter votre soutien afin de corriger la décision politique du gouvernement de ne retirer que le CPA à l’étape du rapport à l’autre endroit, ainsi que de réintégrer celui-ci en tant que membre garanti du conseil d’administration du conseil de vérité et de réconciliation. Ce faisant, nous tiendrions également compte des importantes observations contenues dans le rapport du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones sur le projet de loi C-29 :

Par ailleurs, le conseil d’administration du Conseil devrait viser une représentation plus large des personnes autochtones que celle prévue par le projet de loi; notamment, il devrait rendre compte de la grande diversité, des antécédents et des expériences des Autochtones, toutes régions confondues.

Motion d’amendement—Débat

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :

Que le projet de loi C-29, tel que modifié, ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié à nouveau, à l’article 10, à la page 5 :

a) par adjonction, après la ligne 11, de ce qui suit :

« e) un doit avoir été élu après avoir été mis en candidature par le Congrès des peuples autochtones. »;

b) par substitution, à la ligne 13, de ce qui suit :

« teurs visés aux alinéas (1)a) à e), les administrateurs en ».

Merci.

L’honorable Mary Jane McCallum : Je vous remercie de votre discours. J’ai posé les questions que voici au Congrès des peuples autochtones à quatre reprises, et je n’ai toujours pas obtenu de réponse. Peut-être en avez-vous obtenu une. Voici ce que je leur ai demandé : qui sont vos membres? Comment vérifiez-vous leur identité autochtone? Comment les élections se déroulent-elles? Quelle est la répartition des membres par province, en pourcentage? Les représentants de l’organisme disent que celui-ci compte 850 000 membres. Quand j’ai remis ce nombre en question au comité, ils l’ont réduit à 600 000.

Comment met-on la réconciliation en œuvre lorsqu’on n’a ni territoire ni langue? Lorsqu’ils m’ont téléphoné la semaine dernière, je leur ai dit que je ne leur parlerais pas tant qu’ils n’auraient pas répondu à mes questions. Ils n’y ont toujours pas répondu.

Cela me préoccupe beaucoup.

La sénatrice Martin : Je ne peux pas parler au nom du Congrès des peuples autochtones, mais comme je l’ai dit dans mon discours — en fonction des témoignages entendus au comité et selon son site Web —, le congrès collabore avec 11 organismes provinciaux et territoriaux affiliés et a fait beaucoup de choses depuis plus de 50 ans. Je maintiens donc ce que j’ai dit dans mon discours. Par contre, pour ce qui est de me prononcer en son nom au sujet de vos questions, je n’ai aucune réponse à vous donner.

La sénatrice McCallum : J’ai travaillé avec de nombreux organismes avant même de devenir sénatrice. J’ai travaillé avec l’Association des femmes autochtones du Canada, l’Association nationale des centres d’amitié et d’autres groupes, qui ont tous été de grands alliés et défenseurs. Au cours de la dernière semaine, j’ai demandé à des groupes de femmes — des groupes de guérison — si le Congrès des peuples autochtones les avait déjà défendus, et ils ont tous répondu que non. Je n’ai jamais travaillé avec Congrès des peuples autochtones au cours des 30 années pendant lesquelles j’ai œuvré auprès des peuples autochtones.

Pouvez-vous m’expliquer pourquoi vous dites que comme l’Association des femmes autochtones du Canada figure dans le projet de loi, le Congrès des peuples autochtones devrait y figurer également, alors que l’Association des femmes autochtones du Canada a déjà fait un si bon travail? Merci.

La sénatrice Martin : Je pense que l’Association des femmes autochtones du Canada mérite d’y avoir également un siège. Ce que je veux dire, c’est que je crois aussi que le Congrès des peuples autochtones est une organisation nationale reconnue de plusieurs façons, notamment car elle a reçu du financement. Notre collègue le sénateur Brazeau est venu témoigner devant le comité afin de nous expliquer l’histoire et le travail de cette organisation, qu’il a d’ailleurs lui-même dirigée.

Je pense qu’il y a beaucoup d’autres organisations comme celle‑ci partout au pays. Sénatrice, je sais que vous ne ménagez pas vos efforts, mais je pense que ce n’est pas tout le monde qui a eu l’occasion de travailler avec chacune de ces organisations. Je m’en tiens à la position que j’ai adoptée en raison des témoignages que nous avons entendus au comité, y compris celui du sénateur Brazeau.

L’honorable Frances Lankin : Je vous remercie beaucoup de votre discours, de votre présentation et du travail que vous faites dans ces dossiers et en comité. C’est très important et j’apprécie la sensibilité que vous apportez à la discussion.

Plus tôt, je cherchais des informations sur différentes organisations et il y a actuellement une organisation au Labrador qui s’est initialement décrite comme une organisation métisse, mais qui se qualifie maintenant d’organisation inuite. Il s’agit d’un sujet controversé. Je ne connais pas les détails et j’ai besoin que des membres de ces communautés m’informent de la situation.

De même, en ce qui concerne le Congrès des peuples autochtones, j’ai parlé au sénateur Brazeau et je comprends bien ce qu’il a essayé de faire lorsqu’il dirigeait l’organisation. Toutefois, diverses organisations autochtones — dont beaucoup, mais pas toutes, sont composées de titulaires de droits — ont exprimé des inquiétudes au sujet du Congrès des peuples autochtones concernant les personnes qu’il représente réellement, la manière dont il les représente et le fonctionnement de l’organisation.

Ce n’est peut-être pas juste de vous poser la question qui suit. Je me demande simplement si vous avez appris quelque chose de plus que ce que vous nous avez dit jusqu’à présent au comité et si d’autres sénateurs vont prendre la parole au sujet de votre amendement, en particulier des sénateurs autochtones. C’est une question à laquelle j’espère que l’on essaiera de répondre, car certains d’entre nous ne sont pas aussi familiers avec le Congrès des peuples autochtones que vous l’êtes peut-être devenue.

La sénatrice Martin : Oui. C’est une situation complexe. J’apprends beaucoup dans mon rôle auprès du comité et en consultant le hansard de l’autre endroit pour comprendre ce qui s’est passé.

Ce qui m’intéresse, c’est l’objet, ou l’esprit, du projet de loi — c’est-à-dire la réconciliation — et l’importance d’inclure l’ensemble des voix et des groupes qui existent au Canada. Toutefois, j’ai presque l’impression que c’est impossible, car il y a seulement 13 sièges.

En ce qui concerne les sièges garantis, je connais le Congrès des peuples autochtones en raison du travail accompli par le sénateur Brazeau et auparavant par notre gouvernement. Le site Web de l’organisation est très complet. De plus, l’arrêt Daniels reconnaît son existence.

Je pense surtout à l’inclusion et au respect d’un groupe national comme le Congrès des peuples autochtones. Je ne m’intéresse pas aux opinions des autres groupes à propos du Congrès des peuples autochtones ni à ce qu’ils ont fait ou pas avec l’organisation — ce sont des facteurs complexes. Je me concentre sur les témoignages que nous avons entendus, ce qui s’est passé à l’autre endroit et l’esprit du projet de loi. J’exhorte les sénateurs à réfléchir à ce que j’ai dit et à voter en conséquence.

(1630)

[Français]

L’honorable Renée Dupuis : Merci de votre discours, sénatrice Martin.

On sait que, depuis le début des années 1970, le Congrès des peuples autochtones représente les membres des Premières Nations qui vivent à l’extérieur des réserves. On sait, par ailleurs, qu’un des éléments extrêmement importants des travaux de l’Assemblée des Premières Nations a été la façon de faire reconnaître la compétence des gouvernements des Premières Nations, non seulement sur leurs membres à l’intérieur des réserves, mais aussi sur leurs membres qui se déplacent à l’extérieur des réserves.

Ne risque-t-on pas d’avoir une double représentation si l’on ajoute le Congrès des peuples autochtones?

Avez-vous obtenu, lorsque vous avez fait vos recherches, des informations à ce sujet?

[Traduction]

La sénatrice Martin : Je considère que les organisations sont distinctes et différentes. Le Congrès des peuples autochtones, individuellement, a accompli un travail considérable au cours des 50 dernières années. D’après les témoignages que nous avons entendus, le fait est que le congrès et l’Association des femmes autochtones du Canada avaient été inclus par l’autre endroit. Cependant, le gouvernement a retiré son siège à une organisation et pas à l’autre selon des critères qui ne sont pas clairs, à notre avis. Compte tenu de ce qui s’est passé, de l’historique de ce projet de loi, du travail que le congrès a accompli au cours des 50 dernières années et du mérite de l’organisation, c’est mon avis. Je ne parle pas de retirer le siège de qui que ce soit, mais d’ajouter un siège garanti à une organisation nationale qui existe depuis des décennies.

[Français]

L’honorable Éric Forest : Est-ce que la sénatrice accepterait de répondre à une autre question?

La sénatrice Martin : Oui.

Le sénateur Forest : Tout est une notion de représentativité. Si je comprends bien, le Congrès des peuples autochtones, qui est une organisation fort pertinente qui travaille beaucoup en faveur de la cause des Autochtones, n’est pas nécessairement une organisation élue.

Ce que votre amendement propose, c’est de réserver formellement un siège au sein du conseil au Congrès des peuples autochtones. Pourquoi ce dernier, et pas une autre organisation qui aurait également une portée nationale? N’y aurait-il pas lieu plutôt de préciser les critères qui permettront de sélectionner réellement une organisation? On peut être membre du Congrès des peuples autochtones ou ne pas l’être. Si j’étais d’origine autochtone et que je n’étais pas membre de cette organisation, ils ne pourraient pas nécessairement parler en mon nom.

Ce qui m’indispose, c’est le fait de donner arbitrairement à cette organisation un siège au conseil de la réconciliation.

[Traduction]

La sénatrice Martin : Je n’y vois rien d’arbitraire. Seuls l’Association des femmes autochtones du Canada et le Congrès des peuples autochtones avaient obtenu un siège garanti par la Chambre. Voilà l’historique du projet de loi et ce qui s’est passé à l’autre endroit.

Il y a tellement d’organisations. Je ne veux rien enlever aux autres relativement à ce qu’elles font et à leur importance, mais le congrès est une organisation nationale qui a fait beaucoup de travail et qui avait été acceptée par le comité de l’autre endroit. C’est pourquoi je me concentre sur le congrès plutôt qu’un autre groupe, ce que j’aurais pu faire. Je ne sais pas comment je choisirais, car il y en a tellement qui font du très bon travail.

Je pense que ce sera un défi pour le conseil, même après l’adoption de ce projet de loi, de déterminer qui le composera. J’ai choisi le Congrès des peuples autochtones précisément à cause de ce qui s’est passé à l’autre endroit.

L’honorable Yvonne Boyer : La sénatrice accepte-t-elle de répondre à une autre question?

La sénatrice Martin : Oui.

La sénatrice Boyer : Merci. Je me demande d’où viennent les centaines de milliers de membres du Congrès des peuples autochtones. Lorsque j’ai été nommée sénatrice, j’ai invité un représentant du congrès à me rencontrer et à me renseigner au sujet des membres de l’organisme, et l’invitation a été acceptée. J’ai demandé qui étaient les membres du congrès et où ils se trouvaient. La personne m’a répondu : « Je ne le sais pas. »

Je me demande d’où viennent les 850 000 membres parce que le congrès ne me représente pas en tant que Métisse, et il ne représente aucun membre de ma famille ni aucune de mes connaissances.

La sénatrice Martin : Je ne peux pas répondre précisément à cette question, sénatrice. Comme je l’ai dit, je m’appuie sur les témoignages que nous avons entendus et les renseignements que j’ai recueillis. J’ai consulté le site Web de l’organisme et j’ai rencontré ses dirigeants. Comme je l’ai dit, le congrès a été inclus par la Chambre. C’est la raison pour laquelle j’en parle. C’est tout ce que je peux répondre à votre question.

La sénatrice Boyer : Si vous avez tiré vos renseignements du site Web et que vous n’avez pas demandé précisément « D’où viennent les membres? », vous ignorez la réponse, n’est-ce pas?

La sénatrice Martin : Je l’ignore.

La sénatrice Boyer : Merci.

L’honorable Mary Coyle : Je remercie infiniment ma collègue, qui est aussi membre du Comité des peuples autochtones, un comité qui fait un travail remarquable. Je sais que vous faites de l’excellent travail. À bien des égards, l’étude de ce projet de loi n’a pas été facile pour nous. Je remercie tous les membres de leur travail.

Sénatrice Martin, lors de la deuxième lecture du projet de loi, je vous ai posé une question sur la différence entre les titulaires de droits, les organisations nationales constituées de membres et d’autres intervenants; on pourrait dire que c’est comme comparer des oranges, des pêches, des poires et des prunes. Vous avez eu de la difficulté à répondre à cette question. Or, elle revient sans cesse. Je parle de l’idée que le Congrès des peuples autochtones compte environ 800 000 membres et qu’il représente essentiellement tous ceux qui ne vivent pas dans une communauté des Premières Nations.

Au comité, je n’ai pas parlé contre le Congrès des peuples autochtones. Je n’ai rien contre cet organisme. Je sais qu’il fournit de bons services aux gens. Cependant, je me suis opposée à ce que les sénateurs — et cela vaut aussi pour le comité à ce stade-ci — décident si le Congrès des peuples autochtones doit être à la table, car je crois personnellement que la décision revient aux dirigeants autochtones qui devaient déterminer à l’origine quelles autres organisations devraient siéger à cette table.

Voici la question que je vous pose : êtes-vous d’accord pour que les membres fassent partie de ces trois organisations détentrices de droits et de l’organisation nationale des femmes autochtones, de sorte que tous les autres sièges qui s’y trouvent devraient, franchement, faire l’objet de discussions et être choisis par ces quatre organisations plutôt que par nous?

La sénatrice Martin : Je ne suis pas d’accord pour dire que nous ne devrions pas inclure le Congrès des peuples autochtones. C’est pourquoi j’ai proposé cet amendement. Comme vous l’avez dit, il y a les trois organisations détentrices de droits, soit l’Assemblée des Premières Nations, l’Inuit Tapiriit Kanatami et le Ralliement national des Métis, ainsi que l’Association des femmes autochtones du Canada, qui est différente, mais qui est incluse et qui le mérite. Je suis du même avis au sujet du Congrès des peuples autochtones. Nous pouvons convenir que nous ne sommes pas d’accord, mais j’explique pourquoi je crois que le Congrès des peuples autochtones n’aurait pas dû être supprimé et qu’il devrait avoir un siège garanti.

(1640)

L’honorable Denise Batters : Merci, sénatrice Martin. À la suite du discours du sénateur Brazeau sur ce sujet, je lui ai posé des questions sur son historique étant donné qu’il a déjà été à la tête du Congrès des peuples autochtones. En général, il y a cinq organisations autochtones nationales reconnues, et le sénateur Brazeau a mentionné que le gouvernement a aidé à les créer. Quatre d’entre elles sont incluses dans le projet de loi. Le Congrès des peuples autochtones a été inclus pendant l’étude à la Chambre des communes, mais il a ensuite été retiré.

Le gouvernement considère-t-il, selon ses critères, ces cinq organisations autochtones nationales comme des organisations qui conviennent pour les nombreuses questions dont il s’occupe? Si c’est le cas, le projet de loi n’est-il pas un peu particulier en excluant le Congrès des peuples autochtones?

La sénatrice Martin : Oui, c’est exact. Il y a cinq organisations nationales. Le gouvernement a gardé l’Association des femmes autochtones du Canada, mais il a retiré le Congrès des peuples autochtones. On ne sait pas clairement quels critères il a utilisés pour prendre cette décision. Cette incohérence a été soulevée. Comme je l’ai dit plus tôt, selon les témoignages entendus et l’historique du projet de loi, je pense que le Congrès des peuples autochtones devrait être inclus.

L’honorable Ratna Omidvar : Sénatrice Martin, je suis certaine que le comité a invité le ministre à témoigner sur le projet de loi C-29. Est-ce que vous ou quelqu’un d’autre a demandé au ministre pourquoi le Congrès des peuples autochtones a été retiré du projet de loi et quels critères ont été utilisés pour prendre cette décision? Pouvez-vous nous éclairer à ce sujet?

La sénatrice Martin : Oui, le nouveau ministre, M. Anandasangaree, a effectivement comparu devant le comité. Quand je lui ai posé la question sur le Congrès des peuples autochtones, il n’a pas mentionné spécifiquement les critères d’inclusion et d’exclusion parce qu’il ne connaissait pas encore très bien le dossier. Je ne comprends toujours pas les motifs de cette décision. Je crois que le Congrès des peuples autochtones devrait être inclus dans le projet de loi.

L’honorable Scott Tannas : Tout d’abord, permettez-moi de féliciter la sénatrice Audette pour la façon dont elle a piloté ce projet de loi. La tâche n’a pas été facile. Bien qu’elle ait déclaré qu’il s’agissait pour elle d’un tout nouveau rôle, elle a fait preuve d’un professionnalisme digne d’une sénatrice aguerrie. Elle a fait un excellent travail, dont voici le fruit.

Comme d’autres l’ont indiqué, nous avons entendu un très grand nombre de témoignages, et bon nombre d’entre eux portaient sur les sièges garantis. En exagérant un peu, je dirais que nous pourrions facilement doubler la taille de ce conseil si on garantissait un siège à tous les organismes qui souhaitent y siéger — toutes sortes de groupes plus légitimes et sérieux les uns que les autres, et qui représentent divers sous-groupes autochtones.

Il a été intéressant de constater à quelles organisations le projet de loi garantissait un siège lorsque celui-ci nous a été renvoyé par la Chambre des Communes. Pour revenir à ce que la sénatrice Coyle a fait remarquer, le gouvernement prévoyait initialement trois sièges garantis, pour les trois détenteurs de droits, à savoir l’Inuit Tapiriit Kanatami, l’Assemblée des Premières Nations et le Ralliement national des Métis.

Ensuite, au comité — et je suppose qu’ils ont eu les mêmes discussions que nous — ils ont découvert qu’il existait cinq organisations autochtones nationales financées par le gouvernement, et que deux d’entre elles n’étaient pas représentées au conseil : l’Association des femmes autochtones du Canada et le Congrès des peuples autochtones.

Le comité a alors jugé que les cinq organisations nationales devraient être représentées au sein du conseil. Je comprends le raisonnement initial du gouvernement, qui était de se limiter aux titulaires de droits. Toutefois, je comprends également le raisonnement du Comité permanent des affaires autochtones et du Nord de l’autre endroit, qui voulait inclure les cinq organisations.

Toutefois, lorsque la Chambre a repris l’étude du projet de loi, le gouvernement, appuyé par le NPD, a décidé d’enlever une de ces organisations, malgré l’opposition du Parti conservateur et du Bloc québécois, si bien que le projet de loi n’a plus de sens. Il n’y a aucune raison logique d’inclure seulement quatre des cinq organisations. On peut justifier l’inclusion de seulement trois d’entre elles ou l’inclusion des cinq.

Dans notre étude, nous avons tenté de trouver une justification. Nous savons ce que souhaite le gouvernement. Nous ignorons pourquoi c’est ce qu’il souhaite. Nous soupçonnons que quelqu’un dans ce groupe de trois ou quatre organisations n’aime pas le Congrès des peuples autochtones et ne veut pas qu’il soit inclus, mais c’est peut-être autre chose. Nous l’ignorons.

Une personne qui, à mes yeux, a joué un rôle important et qui explique en partie pourquoi je soutiendrai cet amendement est Marie Wilson, une des premières commissaires de la Commission de vérité et réconciliation. Elle a assisté à tous les témoignages — que Dieu bénisse ceux qui ont témoigné — livrés pendant de nombreux jours et provenant de tout le pays, elle a écouté les histoires et a participé à la rédaction des appels à l’action. Je lui ai dit que nous avions tous ces problèmes, que nous ne comprenions pas et que nous étions un peu frustrés parce que nous n’arrivions pas à obtenir de réponses. Je lui ai demandé : « À qui avez-vous pensé? » Et elle nous l’a indiqué, tout simplement, avec une phrase : « Nous avons pensé à ceux qui étaient présents au moment de la présentation des excuses. » Eh bien, ceux qui étaient présents à la présentation des excuses étaient les cinq organisations nationales.

Pour moi, c’est très important.

L’autre élément important est que, tout au long du processus, nous avons eu des votes à 6 contre 5 ou à égalité au sein des comités qui ont reçu, dans notre cas, une cinquantaine de témoins. Je ne sais pas à quel point les travaux de la Chambre ont été approfondis, mais je suis certain qu’ils l’ont été dans une certaine mesure, et nous avons toujours été divisés sur cette question.

Je tiens à féliciter la sénatrice Martin d’avoir eu le courage de soulever cette question, qui porte sur une décision qu’il est tout à fait normal que nous prenions : devrions-nous renvoyer le projet de loi — que nous renvoyons maintenant avec des amendements — avec cet arrangement maladroit, qui garantit un siège à quatre organismes, mais qui en exclut un sans que nous puissions trouver d’explication rationnelle? Ou, devrions-nous le renvoyer avec un amendement et donner à la Chambre une autre chance de déterminer si elle veut trois ou cinq sièges? Il est logique que nous envisagions au moins de renvoyer le projet de loi à la Chambre des communes avec les autres amendements, étant donné qu’il y retourne de toute façon, pour souligner qu’il s’agit toujours d’un problème non résolu et que la Chambre devrait peut-être l’examiner.

J’ajoute également que le fait d’exclure un organisme national en particulier minimise l’importance du travail qu’il accomplit depuis des décennies. Certains diront, et nous l’avons entendu ici, que cet organisme est un peu désorganisé. Bien franchement, un certain nombre d’organismes nationaux ont été désorganisés à différents moments de leur existence. Tout organisme qui existe depuis 10, 20 ou 50 ans connaît des hauts et des bas.

Par souci d’équité et, à tout le moins, par respect pour les contributions passées de cet organisme, j’estime que le projet de loi mérite à tout le moins un dernier examen au Sénat et, je dirais, à la Chambre des communes.

Je tiens à remercier tous ceux qui ont consacré de leur temps et posé d’excellentes questions ici aujourd’hui. Je suis extrêmement conscient du fait que je ne suis pas autochtone, mais j’estime que ce projet de loi est extrêmement important. Il est important, car il prévoit la création d’un conseil qui va faire le travail qui, à mon avis, est d’une importance vitale pour que les 96 % des Canadiens qui ne sont pas autochtones reçoivent le message des 4 % qui le sont.

(1650)

Il sera extrêmement important de ne pas créer et financer une autre organisation politique. Le but, c’est de constituer une organisation qui aura pour rôle d’évaluer, de surveiller et de diffuser, en plus de demander des comptes aux instances gouvernementales et aux organisations qui ont un rôle à jouer dans la réconciliation. Parce que tout ce travail est d’une importance vitale, nous devons mettre toutes les chances de notre côté pour bien faire les choses.

Je vous remercie, chers collègues.

Des voix : Bravo!

La sénatrice Coyle : Merci. Vous êtes un orateur plutôt remarquable. J’aime toujours entendre vos observations. À mon avis, elles sont toujours logiques. Je sais que nous étions assis l’un à côté de l’autre au comité, que nous avons eu des échanges de part et d’autre et que nous avons connu bien des hauts et des bas.

Je vous suis reconnaissante de ne pas avoir essayé de supprimer l’Association des femmes autochtones du Canada du projet de loi, ce qui serait une mesure visant à rendre les règles du jeu plus équitables. Je suis heureuse que nous n’ayons pas pris cette mesure au comité et que nous n’en fassions pas la promotion.

Vous venez de parler de respect. C’est aussi le respect qui me préoccupe. Je crains que si cette institution, cette Chambre, impose une décision qui inclut le Congrès des peuples autochtones — qui, à mon avis, s’est mal représenté et n’est pas sur un pied d’égalité avec les trois organisations autochtones nationales qui représentent les personnes qui ont des droits autochtones ici au Canada —, nous manquerions de respect envers ces trois organisations nationales qui représentent des détenteurs de droits.

Êtes-vous préoccupé par le fait que nous rétablissons le Congrès des peuples autochtones en tant que membre du conseil d’administration de ce très important conseil national de réconciliation très important et par les conséquences que cela pourrait avoir sur la façon dont ces trois organisations se sentiraient respectées?

Le sénateur Tannas : C’est un très bon point. Encore une fois, cela touche l’essence même de l’une des discussions que nous avons eues, à savoir qu’on a inclus les trois organisations nationales de titulaires de droits. Il y avait deux autres organisations qui sont aussi des organisations nationales financées par le gouvernement. Si on s’en était tenu aux trois, nous aurions eu une position très cohérente sur laquelle nous aurions tous pu nous entendre.

Lorsqu’on a ajouté les deux autres organisations en comité, puis qu’on en a retiré une, on s’est retrouvé avec une situation impossible à expliquer de façon rationnelle — sauf pour dire que le Congrès des peuples autochtones n’est pas une organisation digne de ce nom. Nous en avons entendu parler aujourd’hui.

Si c’est le cas, que le gouvernement le dise. Que les autres organisations nationales le disent en demandant au gouvernement de retirer expressément le Congrès des peuples autochtones et de nous renvoyer le projet de loi modifié en conséquence — cela dévalorisera certainement le travail que le Congrès des peuples autochtones a fait par le passé, mais au moins, il y aura une certaine honnêteté dans tout le processus.

L’honorable Marty Klyne : Je pourrais formuler ceci sous forme de question, mais c’est plutôt une remarque.

J’ai entendu ce que le sénateur Tannas avait à dire. Y a-t-il des membres du comité, des témoins ou d’autres personnes qui se sont penchés sur la question des sièges permanents garantis?

J’avais l’impression qu’à un moment donné, il y aurait trois sièges permanents et que les autres seraient non permanents. Je suis surpris, je ne peux pas dire que je suis agréablement surpris, que l’Association des femmes autochtones du Canada y figure. J’ai beaucoup travaillé avec cette association, qui a le droit d’être là, dans le cadre des expériences que j’ai vécues. J’ai observé Harry Daniels lorsqu’il était président national et comment il a traité l’association lorsqu’elle n’avait pas de siège à la table des négociations constitutionnelles. Il y avait une place libre et il a invité l’association. Cela a mis tout le monde à ses trousses parce que c’était la seule femme à la table.

Je suis un peu surpris. Le sénateur Tannas a visé dans le mille avec ce qu’il vient de dire.

Je ne me prononcerai pas sur cette question sans avoir d’abord parlé à Cassidy Caron, la présidente du Ralliement national des Métis, ou sans avoir appelé mon chef. Je suis membre de la bande de Little Black Bear. J’appellerai le chef de la bande et je lui demanderai de consulter le chef en conseil. J’aimerais aussi parler à certains chefs régionaux de l’Assemblée des Premières Nations.

En ce qui concerne le point soulevé par le sénateur Tannas, je renverrais la balle à ceux qui ont un siège garanti à cet égard, et à ces trois-là.

Dans la Constitution, la définition de « peuples autochtones » inclut les Métis. Un grand merci à Harry Daniels pour cela. Elle comprend les Premières Nations, les Métis et les Inuits. Ces groupes forment la définition constitutionnelle de « peuples autochtones ». Ils devraient avoir leur mot à dire.

Voici un petit rappel des premières négociations ayant mené à cette définition. Il y avait des représentants des Premières Nations à la table. Quelqu’un a demandé à un des chefs présents — un chef de la Saskatchewan — quels étaient les besoins ou les demandes des Métis. Celui-ci a répondu : « Voilà une attitude plutôt colonialiste, car nous ne parlons pas au nom des Métis. Si vous voulez savoir ce qu’ils pensent, faites-les venir à cette table et demandez-leur. »

Quelqu’un a songé à cela? Quelqu’un a-t-il consulté ces organisations, qui sont les organisations établies selon la Constitution?

Le sénateur Tannas : Nous n’en avons pas parlé et, d’après mes souvenirs, aucun des témoins n’a dit quelque chose comme « nous ne voulons pas participer si ces gens-là, ou ceux-là, y sont aussi ». Il n’y a pas eu de commentaires de ce genre pendant les travaux de notre comité.

Nous pouvons tirer nos propres conclusions au sujet des conversations qui ont lieu entre les trois principales organisations, ainsi que l’Association des femmes autochtones, et le gouvernement. Peut-être que le résultat de ces conversations correspond à ce que nous avons actuellement? Je dois dire que ce nombre de quatre a été l’aboutissement d’un parcours plutôt chaotique.

Il serait bon que les gens de l’autre endroit se penchent de nouveau là-dessus, qu’ils nous fassent savoir clairement qu’ils ont bien mené des consultations et que ce que nous avons reçu était correct, même si cela ne nous semble pas correspondre à ce que nous connaissons — et que cela ne correspond décidément pas à ce que pensait au moins l’un des trois commissaires de la Commission de vérité et réconciliation au moment de rédiger la recommandation que ce projet de loi est censé respecter.

L’honorable Michèle Audette : Je vais m’efforcer d’être brève, mais comme je m’exprime en anglais — pour que la sénatrice Martin me comprenne —, il se pourrait que ce soit plus long. Je vous remercie de défendre les intérêts du groupe en question. Un jour, je vous demanderai peut-être de défendre un autre groupe.

Je tiens à m’exprimer très franchement au sujet de mes origines. Je viens d’un endroit où, il n’y a pas si longtemps dans l’histoire du Canada, nous n’avions pas le droit d’être plus de 10 personnes. Nous sommes désignés « Indiens » dans la Loi sur les Indiens. Je dirai donc « le peuple innu ». C’était illégal.

Dans les années 1970, beaucoup d’organismes ont vu le jour ou ont été créés, comme l’Association des femmes autochtones du Canada et l’Assemblée des Premières Nations, qui s’appelait alors le Congrès des peuples autochtones. Cela a lentement ouvert la voie aux gouvernements élus, qui se sont dit : « Je vais les consulter. Je vais leur parler. »

(1700)

Au bout du compte, cela m’a enlevé ma voix en tant qu’être humain, en tant que femme innue et en tant que personne qui se demande : « Si je n’appartiens pas à ces organisations, où dois-je aller, ou qui parle en mon nom? »

Il est important que nous tenions ce débat aujourd’hui.

Voici donc ce que je propose. Ce ne sera peut-être pas par l’entremise de ce projet de loi, parce que c’est un problème profondément enraciné. Il y a tellement d’endroits où nous pouvons aller plus loin. Si nous sommes sincères, nous pouvons faire une étude à ce sujet. Cependant, avec le projet de loi C-29, je peux comprendre les groupes. Je ne parle pas seulement du Congrès des peuples autochtones, qui veut être inclus pour s’assurer d’avoir la voix des régions urbaines.

J’habite à Québec, qui était autrefois le territoire traditionnel de plusieurs nations. Les réserves nous ont fait penser que c’était « notre territoire », ce qui est faux. Donc, l’endroit où l’on vit n’a que peu d’importance.

Pour ma part, en ce qui concerne le Congrès des peuples autochtones, j’ai été honnête avec lui. J’ai dit : « Je serai la marraine. Je me ferai discrète. Je vous laisserai faire votre travail, votre lobbying et votre militantisme, mais je ne peux pas vous appuyer. Voici pourquoi : vous n’êtes pas mon gouvernement. Si vous voulez être un organisme sans but lucratif, parfait, mais en disant que vous êtes ma voix, vous prenez quelque chose que nous nous sommes battus pour reprendre. »

Alors, tenons ce dialogue, cette discussion et ce débat ailleurs, et pas dans le cadre de ce projet de loi, s’il vous plaît. Merci.

L’honorable Mary Jane McCallum : Je peux affirmer en toute certitude que les trois organisations en question, plus particulièrement l’Assemblée des Premières Nations, ne sont pas des titulaires de droits. Elles en sont uniquement les représentantes.

J’ai déjà entendu parler du Congrès des peuples autochtones. C’était une organisation vraiment formidable à une époque, puis elle s’est dégradée. Je le sais parce que j’y ai travaillé et que j’ai appris ce qui s’y était passé. C’est pourquoi j’ai interrogé ses représentants au comité. Je leur ai posé des questions, et je leur ai demandé de m’envoyer les réponses avant la fin de la semaine. Ils ne l’ont jamais fait, et ces réponses sont essentielles.

J’ai commencé à craindre que l’organisation ne fasse pas le travail qu’elle prétend faire et qu’elle ne représente pas les gens qu’elle prétend représenter. On répète sans cesse que cette organisation fait un excellent travail. Or, je n’ai entendu aucun exemple démontrant que c’est le cas de ses représentants actuels. J’ai tenté d’être juste avec eux. Je leur ai demandé quatre fois de me fournir certains renseignements, et ils ne l’ont jamais fait. Cela m’a rendue méfiante.

Il est vrai qu’il faut respecter les contributions passées de cet organisme, mais nous devons aussi tenir compte de son apport actuel, et j’ai l’impression qu’il est minime.

Ce projet de loi est certes extrêmement important, et nous devons veiller à ce qu’il repose sur la vérité. Nous n’avons pas obtenu la vérité du Congrès des peuples autochtones. Nous comprenons que l’Association des femmes autochtones du Canada soit incluse, car elle a beaucoup contribué à l’élaboration du projet de loi C-69, travaillant avec des femmes autochtones de tout le pays, alors je sais à quel point elle fait un travail remarquable.

On ne peut pas parler de symétrie ou d’injustice. Je vois qui sont ceux qui font le travail, et c’est eux que j’appuierai.

Il y a la question des « fauxtochtones » et du vol d’identité. C’est là-dessus qu’on s’est fondé. Qu’est-ce que le Congrès des peuples autochtones? Il n’a toujours pas dit en quoi il consiste. Il n’y a pas d’organisation du Congrès des peuples autochtones au Manitoba. Je ne connais personne qui est représenté par cet organisme, alors par souci de promouvoir la vérité et la réconciliation, appuyons-nous sur la vérité. Personne ici n’a su dire ce que cet organisme a fait.

Je tenais seulement à le souligner. Je n’ai rien contre cet organisme. S’il m’avait dit ce qu’il fait, qui sont ses membres et quelles ont été ses réalisations, alors je l’appuierais, mais je ne le peux pas.

L’honorable Jim Quinn : J’aimerais poser une question à la sénatrice si elle accepte d’y répondre.

La sénatrice McCallum : Oui.

Le sénateur Quinn : Merci beaucoup. Dans le cadre des travaux du comité, des personnes qui sont représentées par le Congrès des peuples autochtones — puisqu’il prétend représenter certaines gens — ont-elles envoyé des courriels? En règle générale, dans ce type de situations, des personnes qui font partie de l’organisation se portent à sa défense. Y a-t-il eu des démarches du genre? Des gens ont-ils envoyé des lettres ou des courriels à des membres du comité ou à vous pour souligner qu’ils font partie de cette organisation et qu’elle les représente? Y a-t-il eu des communications à ce sujet?

La sénatrice McCallum : Je ne siège pas régulièrement au Comité des peuples autochtones. Je n’ai reçu aucun courriel. J’ai posé la question aux personnes qui représentent les femmes portées disparues ou assassinées. Elles m’ont dit que le Congrès des peuples autochtones vient à leurs rencontres, mais qu’il n’a rien fait. J’ai consulté des gens qui font du travail par rapport à la rafle des années 1960. Le congrès ne les représente pas non plus. J’ai demandé à des gens au Manitoba : « Que savez-vous sur le Congrès des peuples autochtones? » Je n’ai pas reçu de réponse.

Des collègues ont peut-être reçu de l’information, mais ce n’est pas mon cas. J’ai bien discuté avec deux des administrateurs, mais ils ne m’ont fourni aucune information. Merci.

L’honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, je n’avais pas l’intention de participer à ce débat jusqu’à ce que le sénateur Klyne pose sa question.

C’est une question délicate. Je tiens à préciser que je respecte ce qu’ont dit la sénatrice Martin et le leader de mon groupe, le sénateur Tannas, mais en tant que représentant des Inuits du Nunavut — soit dit en passant, aujourd’hui est la Journée internationale des Inuits, mais je n’ai pas eu la chance de faire une déclaration à ce sujet —, en tant que représentant d’une région dont la population est composée à 85 % d’Inuits, je dois dire que l’organisation nationale des Inuits, l’Inuit Tapiriit Kanatami, qui représente les Inuits des quatre régions du Canada, a récemment publié une lettre ouverte aux Canadiens concernant l’érosion des droits et du statut. Cet organisme est très préoccupé par ce que le président Obed qualifie de « raz-de-marée de revendications illégitimes de l’identité autochtone ».

Vous vous interrogez peut-être sur la pertinence de cette question dans le cadre du débat d’aujourd’hui sur cet amendement, mais je pense qu’il faut en tenir compte, et que cela m’incitera à voter contre l’amendement qui a été proposé, malgré tout le respect que je dois à la sénatrice Martin. J’ai participé aux travaux du comité. J’ai entendu tous les témoins et j’ai suivi l’ensemble des débats. J’ai écouté le témoignage du Congrès des peuples autochtones, et je pense que le sénateur Tannas a décrit avec beaucoup d’éloquence les étapes qui nous ont amenés jusqu’ici. Cependant, pour l’Inuit Tapiriit Kanatami, le fait que le Congrès des peuples autochtones ait appuyé l’un de ses membres, le Conseil communautaire de NunatuKavut, pose problème. Comme le président Obed l’a déclaré dans une lettre qu’il a publiée récemment, cet organisme a cherché à :

[...] mobiliser les dirigeants fédéraux, des établissements d’enseignement et les Canadiens, dans le but de promouvoir ses revendications illégitimes relativement aux droits des Inuits et au statut d’Inuit. Le Conseil communautaire NunatuKavut cherche à s’approprier les terres et les droits des peuples autochtones légitimes, et à détourner davantage les ressources déjà limitées qui sont destinées aux Inuits, aux Premières Nations et aux Métis.

Le Conseil communautaire NunatuKavut n’est pas titulaire de droits inuits et il n’est lié à aucune des quatre organisations inuites établies en vertu d’un traité qui représentent l’ensemble des Inuits au Canada.

Le conseil est plutôt affilié au Congrès des peuples autochtones.

(1710)

J’ai rencontré le conseil communautaire et je sais qu’il a été grandement encouragé par une ancienne ministre responsable des relations entre les Inuits et la Couronne, qui a signé un protocole d’entente lui laissant croire qu’il serait reconnu par le gouvernement fédéral en tant qu’organisation titulaire de droits. Toutefois, vu les vives inquiétudes que suscite l’usurpation de l’identité inuite par cette organisation, qui fait partie du Congrès des peuples autochtones, je ne peux pas, en toute conscience, en tant que représentant des Inuits au Sénat, soutenir l’inclusion du Congrès des peuples autochtones dans le conseil national réconciliation avec d’autres organisations titulaires de droits, comme le recommande cet amendement.

Je tiens à souligner que la nation innue — qui est également voisine du Conseil communautaire de NunatuKavut, tout comme les habitants du Nunatsiavut, au Labrador — a également remis en question l’identité de titulaire de droits du conseil et a soutenu l’Inuit Tapiriit Kanatami dans le rejet de ce que cette dernière a qualifié de revendications illégitimes de l’identité autochtone.

Ce n’est pas un vote facile pour moi et, comme le sénateur Tannas, je suis parfaitement conscient d’être allochtone. Toutefois, en tant que représentant des Inuits dans cette enceinte et après avoir discuté de cette question avec le président Obed, qui représente les Inuits du Canada, je voterai contre l’amendement.

Merci.

Les travaux du Sénat

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, comme il est 17 h 15, je dois interrompre les travaux. Conformément à l’article 9-6 du Règlement, la sonnerie se fera entendre afin de convoquer les sénateurs au vote reporté à 17 h 30 sur l’adoption du douzième rapport du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts (projet de loi C-234, Loi modifiant la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effets de serre, avec un amendement et des observations), présenté au Sénat le 26 octobre 2023.

Convoquez les sénateurs.

(1730)

La Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre

Projet de loi modificatif—Rejet du douzième rapport du Comité de l’agriculture et des forêts

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Black, appuyée par l’honorable sénatrice Osler, tendant à l’adoption du douzième rapport du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts (projet de loi C-234, Loi modifiant la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, avec un amendement et des observations), présenté au Sénat le 31 octobre 2023.

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, la question est la suivante : l’honorable sénateur Black propose, appuyé par l’honorable sénatrice Osler, que le douzième rapport du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts (projet de loi C-234, Loi modifiant la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, avec un amendement et des observations) soit adopté.

La motion, mise aux voix, est rejetée :

POUR
Les honorables sénateurs

Audette Harder
Bellemare Hartling
Boniface LaBoucane-Benson
Cardozo Lankin
Clement Loffreda
Cordy Massicotte
Cormier Mégie
Coyle Moodie
Dalphond Omidvar
Dupuis Petitclerc
Forest Petten
Galvez Ringuette
Gerba Saint-Germain
Gold Yussuff—28

CONTRE
Les honorables sénateurs

Ataullahjan Marshall
Batters Martin
Black McCallum
Boehm Mockler
Boisvenu Oh
Boyer Osler
Burey Patterson (Nunavut)
Busson Patterson (Ontario)
Cotter Plett
Dagenais Poirier
Deacon (Nouvelle-Écosse) Prosper
Deacon (Ontario) Quinn
Downe Ravalia
Duncan Richards
Francis Seidman
Gignac Smith
Greene Sorensen
Housakos Tannas
Klyne Wallin
MacAdam Wells
MacDonald White—42

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs

Kutcher Simons—3
Miville-Dechêne

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Wells, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

Projet de loi portant sur un conseil national de réconciliation

Troisième lecture—Rejet de la motion d’amendement

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Audette, appuyée par l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-29, Loi prévoyant la constitution d’un conseil national de réconciliation, tel que modifié.

Et sur la motion d’amendement de l’honorable sénatrice Martin, appuyée par l’honorable sénatrice Seidman,

Que le projet de loi C-29, tel que modifié, ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié à nouveau, à l’article 10, à la page 5 :

a) par adjonction, après la ligne 11, de ce qui suit :

« e) un doit avoir été élu après avoir été mis en candidature par le Congrès des peuples autochtones. »;

b) par substitution, à la ligne 13, de ce qui suit :

« teurs visés aux alinéas (1)a) à e), les administrateurs en ».

L’honorable Andrew Cardozo : Honorables sénateurs, je vais faire une très courte déclaration. Il s’agit d’une question complexe, et j’ai écouté attentivement les intervenants. Au bout du compte, je veux suivre le principe selon lequel « rien de ce qui nous concerne ne doit se faire sans nous ». Je suis donc l’exemple de mes collègues autochtones au Sénat et j’estime qu’il est de mon devoir d’être un allié, d’autant plus qu’ils ont si bien expliqué la question.

La suggestion de la sénatrice Audette de discuter davantage de la question ou de l’examiner plus en détail à une autre occasion représente un compromis utile qui nous permet de ne pas ignorer complètement la demande du Congrès des peuples autochtones de faire partie du conseil. Merci.

(1740)

[Français]

L’honorable Renée Dupuis : Honorables sénateurs, j’ai compris qu’au Sénat, il est de bon ton de dire à ce moment-ci : « Je n’avais pas prévu de parler de cette question aujourd’hui. »

J’aimerais dire ceci, en vous renvoyant à la décision de la Cour suprême du Canada en 2016 dans l’affaire Daniels c. Canada. Le Congrès des peuples autochtones avait posé trois questions. La première était la suivante : est-ce qu’ils devraient être reconnus comme des Indiens? La réponse a été positive. Les deuxième et troisième questions étaient les suivantes : avaient-ils le droit d’être consultés, et devaient-ils automatiquement faire partie des négociations? La réponse a été négative.

Nous avons affaire à une question extrêmement complexe, non seulement sur le plan politique, mais aussi juridique. Je vois très mal le Sénat, à partir d’un amendement comme celui qui est proposé, décider de prendre position dans un sens ou dans l’autre. En ce sens, je suis obligée de voter contre l’amendement.

Merci.

[Traduction]

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion d’amendement?

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente : À mon avis, les non l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur la Présidente : Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

Une voix : Maintenant.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé?

Des voix : D’accord.

La motion d’amendement de l’honorable sénatrice Martin, mise aux voix, est rejetée :

POUR
Les honorables sénateurs

Ataullahjan Oh
Batters Plett
Boisvenu Poirier
Housakos Richards
MacDonald Seidman
Marshall Tannas
Martin Wells—15
Mockler

CONTRE
Les honorables sénateurs

Audette Klyne
Bellemare Kutcher
Boehm LaBoucane-Benson
Boniface Lankin
Boyer Loffreda
Burey Massicotte
Busson McCallum
Cardozo Mégie
Clement Miville-Dechêne
Cordy Moodie
Cotter Osler
Coyle Patterson (Nunavut)
Dagenais Patterson (Ontario)
Dalphond Petitclerc
Deacon (Nouvelle-Écosse) Petten
Deacon (Ontario) Prosper
Duncan Quinn
Dupuis Ravalia
Forest Ringuette
Francis Saint-Germain
Galvez Simons
Gerba Smith
Gignac Sorensen
Gold Wallin
Greene White
Harder Yussuff—52

ABSTENTION
L’honorable sénatrice

MacAdam—1

Troisième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Audette, appuyée par l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-29, Loi prévoyant la constitution d’un conseil national de réconciliation, tel que modifié.

(Sur la motion de la sénatrice McCallum, le débat est ajourné.)

(1750)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Gold, c.p., appuyée par l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-48, Loi modifiant le Code criminel (réforme sur la mise en liberté sous caution), tel que modifié.

L’honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-48, Loi modifiant le Code criminel (réforme sur la mise en liberté sous caution).

Chers collègues, à mesure que je me rapproche de la retraite, je réfléchis de plus en plus au rôle que nous jouons ici en tant que sénateurs. Nous sommes beaucoup de choses : nous sommes les champions de nos régions, ainsi que la voix des minorités. Nous sommes des défenseurs, des leaders et des mentors, mais avant tout, nous sommes des législateurs. Ce rôle nous donne le pouvoir incroyable d’aider ou d’entraver la vie de tous les Canadiens. Je suis donc extrêmement mal à l’aise lorsque nous adoptons un projet de loi que de nombreux témoins dénoncent en comité.

Ce projet de loi ci en est un. Je tiens à dire que je suis d’accord en principe avec l’idée de sévir contre la criminalité. Personnellement, je crois qu’il est important de ne pas prendre le risque que des criminels dangereux puissent récidiver après avoir été libérés sous caution. Cependant, j’ai été découragé d’entendre, tout au long de l’étude du projet de loi par le comité, que de nombreux juristes respectés ne sont pas d’accord avec ce projet de loi. Nous avons entendu à maintes reprises que ce projet de loi est motivé par des considérations politiques et qu’il ne donnerait essentiellement aucun résultat.

Je ne dis pas cela à la légère. Après avoir entendu un certain nombre de témoignages d’experts crédibles et expérimentés lors de l’étude du comité, j’ai pris note que nous avions entendu une série d’avertissements, à savoir que ce projet de loi — et ce sont mes mots — est une réaction impulsive à des événements récents qui ont envoyé d’innombrables signaux d’alarme. Toutefois, ce projet de loi ne changera pas les choses. Les observations du comité à propos de ce projet de loi l’expriment dans un langage diplomatique, mais, puisque nous en sommes au débat à l’étape de la troisième lecture, je crois qu’il est judicieux que tous mes collègues entendent ces avertissements qui ne laissent place à aucune interprétation.

Kat Owens, avocate au Fonds d’action et d’éducation juridique pour les femmes, a déclaré ceci :

[...] des changements comme celui-ci au système de mise en liberté sous caution ne font rien pour s’attaquer aux causes sous-jacentes de la violence fondée sur le sexe, et ils pourraient même empirer la situation à cause des répercussions que la détention exerce sur les gens, comme la perte de leur emploi, de leur foyer et des services de soutien en santé mentale [...].

Elle a aussi recommandé au comité de commencer l’examen trois ans après la sanction royale plutôt que d’attendre cinq ans. Voici ses paroles :

Nous savons que ce projet de loi risque fort d’avoir des répercussions négatives sur les communautés marginalisées. Ainsi, dès que nous aurons les données, [...] commençons cet examen afin que nous puissions apporter des changements de politique fondés sur des données probantes.

Le 4 octobre, trois témoins faisant partie du même groupe se sont fermement opposés au projet de loi. À ce moment, cela m’a paru une véritable condamnation du projet de loi. Danardo S. Jones, professeur adjoint à la Faculté de droit de l’Université de Windsor, a déclaré ceci au comité :

Je veux souligner d’entrée de jeu que les incidents tragiques survenus récemment au Canada ne sont pas attribuables à une loi en particulier. Je sais qu’il a été question du projet de loi C-75 et de certaines des mesures qui en ont découlé. Nous sommes ici confrontés à une problématique beaucoup plus complexe qui ne permet pas de cibler une loi, plutôt qu’une autre. Il serait beaucoup trop simpliste de vouloir prétendre le contraire.

Votre comité devrait en fait chercher à déterminer si le projet de loi C-48 est constitutionnel et s’il résisterait à une contestation de sa constitutionnalité.

Le respect du droit constitutionnel à un cautionnement en vertu du paragraphe 11(e) de la Charte ne doit par ailleurs pas être assimilé à une atteinte à la sécurité publique. Les tribunaux s’emploient à trouver le juste équilibre en la matière depuis les arrêts Morales et Pearson. Il est important d’y parvenir, mais cela demeure un équilibre fragile. La sécurité publique passe avant tout, mais il est également primordial d’assurer le respect des droits des Canadiens.

Dans la même veine, Nicole Myers, professeure agrégée au Département de sociologie de l’Université Queen’s, a établi clairement que ce projet de loi ne va pas régler les nombreux problèmes de notre système de mise en liberté sous caution. Voici ce qu’elle a déclaré lors de son témoignage :

Notre régime de mise en liberté sous caution ne fonctionne pas bien. Une réforme est nécessaire. Cependant, les changements proposés dans le projet de loi C-48 ne résolvent en rien les problèmes complexes et bien ancrés qui affectent le système en place.

Les incidents de violence avec récidive sont à la fois tragiques et alarmants. Ces cas ne sont toutefois pas le résultat de failles dans la loi. L’adoption de nouvelles dispositions […]

 — comme le fait ce projet de loi —

[…] prévoyant l’inversion du fardeau de la preuve ne permettra pas d’améliorer la sécurité publique. En fait, cela risque plutôt d’affecter de façon disproportionnée les personnes les plus marginalisées et surreprésentées au sein de notre système de justice pénale.

Son témoignage a été suivi de celui de Michael Spratt, un associé d’AGP LLP, qui s’est basé sur son expérience de plus de 20 ans en droit criminel pour déclarer :

Il est absolument essentiel de bien étudier toutes les facettes de nos lois régissant la justice pénale, et ce, à toutes les étapes du processus législatif. Lorsqu’il est question de justice, les enjeux sont trop importants pour que l’on adopte des lois sans avoir analysé à fond toutes les informations disponibles.

Il a ajouté :

Nous ne devons pas oublier que les personnes auxquelles on refuse une libération sous caution sont présumées innocentes, et nous ne devrions pas chercher à punir ces personnes avant qu’elles aient été trouvées coupables de quoi que ce soit. La détention avant jugement est une sanction d’une extrême gravité, et nous devrions éviter dans toute la mesure du possible de mettre derrière les barreaux des gens qui n’ont pas été reconnus coupables de quoi que ce soit. C’est pourtant ce que nous n’hésitons pas à faire.

La vérité sur notre système de libération sous caution, c’est qu’il ne s’applique pas de la même manière pour tout le monde. Selon mon expérience, les personnes riches et privilégiées ont nettement plus de chances d’être libérées, et nettement plus de chances d’être libérées rapidement, que les personnes démunies, racisées et aux prises avec d’autres difficultés dans leur vie. C’est l’iniquité inhérente à notre système, et ce projet de loi ne fait absolument rien pour y remédier.

Plus important encore, les mesures contenues dans ce projet de loi sont superficielles. Le gouvernement lui-même a admis qu’il ne disposait pas de données suffisantes pour déterminer quel impact, le cas échéant, ce projet de loi pourrait avoir ou aura sur le système de justice pénale. Le débat actuel sur la mise en liberté sous caution dans le cas d’infractions liées à des armes à feu a été alimenté par des affaires tragiques et très médiatisées, mais il n’y a pas la moindre preuve que ce projet de loi aurait permis de sauver une seule vie.

L’inversion du fardeau de la preuve pour les infractions liées aux armes à feu et à la violence entre partenaires intimes — et nous pouvons avoir une discussion sur ce sujet — ne changera pas grand-chose, selon moi. Le système est déjà défaillant et dysfonctionnel. Cette mesure aggravera les choses, de la même manière que lorsqu’on tombe d’un avion à une altitude de 999 pieds sans parachute en sachant qu’on va s’écraser au sol, la personne qui a un parachute juste à côté affirme que cela pourrait être encore pire, car on pourrait tomber d’une hauteur de 1 000 pieds.

La dernière phrase a vraiment trouvé écho chez moi. Il m’est apparu important de la citer ici aujourd’hui.

Honorables sénateurs, si j’ai cité beaucoup d’extraits des délibérations du comité, c’est que bien qu’il m’apparaisse important d’échanger nos opinions pendant les débats, il est tout aussi important, voire plus, de nous appuyer sur l’avis des experts que nous avons trouvés et que nous avons invités à nous faire profiter de leur expertise pendant l’étude en comité.

Aucun d’entre nous ne peut être expert en tout. Il m’apparaît donc essentiel d’écouter les experts d’un domaine quand nous remplissons notre fonction de législateurs, une tâche importante. Nous devons tenter de prendre la meilleure décision possible en nous fondant sur toute l’information disponible; c’est tout ce que nous pouvons faire. Comme les sénateurs ne siègent pas tous au comité, je trouve qu’il était important de citer ce témoignage, qui m’a paru fort convaincant, afin de les aider à poursuivre leurs réflexions avant le vote à l’étape de la troisième lecture.

Par ailleurs, il m’apparaît particulièrement important de prendre ces observations au sérieux étant donné que l’autre endroit, dans sa sagesse, a fait franchir toutes les étapes au projet de loi par consentement unanime, ce qui signifie qu’il n’y a pas eu d’étude en comité. Le Sénat est donc le seul endroit où les experts du domaine ont eu l’occasion de présenter leur point de vue aux législateurs. Je vous remercie de votre attention. Qujannamiik.

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, comme il est 18 heures, conformément à l’article 3-3(1) du Règlement, je suis obligée de quitter le fauteuil jusqu’à 20 heures, moment où nous reprendrons les travaux, à moins que vous souhaitiez ne pas tenir compte de l’heure. Souhaitez-vous ne pas tenir compte de l’heure, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente : J’ai entendu un « non ». Le consentement n’est pas accordé.

Par conséquent, honorables sénateurs, la séance est suspendue, et je quitterai le fauteuil jusqu’à 20 heures.

(La séance du Sénat est suspendue.)

[Français]

(Le Sénat reprend sa séance.)

(2000)

Son Honneur la Présidente : Nous reprenons le débat sur le projet de loi C-48.

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui afin de proposer un amendement au projet de loi C-48, Loi modifiant le Code criminel (réforme sur la mise en liberté sous caution), déposé le 16 mai dernier à la Chambre des communes par le ministre de la Justice et procureur général du Canada.

L’amendement que je propose aujourd’hui réintroduit le renversement du fardeau de la preuve pour les récidivistes précédemment absous pour des crimes de violence conjugale.

Ce faisant, nous envoyons un message clair aux victimes et à la population : notre système juridique reconnaît la gravité de la récidive en matière de violence conjugale et prend toutes les mesures nécessaires pour prévenir de futures tragédies qui pourraient faire d’autres victimes.

Cet amendement concerne les cas de personnes ayant déjà bénéficié d’une absolution pour des faits semblables en matière de violence conjugale. À l’origine, le projet de loi C-48 prévoyait l’application de ce principe de renversement du fardeau de la preuve, une mesure que je soutiens fermement. Cependant, cet élément vital a été écarté du projet de loi au moyen d’un amendement proposé par la sénatrice Clement au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

Comme vous le savez, la violence conjugale est endémique au Canada. Si nous voulons mieux protéger les victimes, les inciter à dénoncer leur agresseur et réduire la récidive, il faut adopter une approche plus rigoureuse et plus sévère face aux agresseurs.

D’ailleurs, mon projet de loi S-205, qui a été adopté avant la fin de la dernière session et qui a reçu l’appui de toutes les provinces consultées, des groupes de soutien aux victimes, des communautés autochtones, des services de police et des thérapeutes qui traitent ces hommes violents, va dans la même direction que l’amendement que je propose aujourd’hui.

À cet égard, je tiens à vous réitérer toute mon appréciation pour votre soutien dans l’adoption de cet important projet de loi. Encore une fois, je vous dis merci.

Comme je l’ai mentionné dans mon discours à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi S-205, en 2018, 148 femmes ont été victimes de meurtre au Canada; en 2022, 184 femmes ont été assassinées par leur conjoint ou leur ex-conjoint — des hommes qui n’acceptaient pas que ces femmes aient choisi la liberté à leur prison de violence et de silence; des assassins qui, pour la grande majorité, avaient un passé d’hommes violents et, dans bien des cas, un passé violent avec plusieurs de leurs conjointes.

J’espère donc que mon projet de loi S-205, qui a passé l’étape de la deuxième lecture à l’autre endroit, sera adopté avant que je quitte le siège que j’occupe dans cette Chambre. Ce projet de loi, s’il est adopté, jumelé au projet de loi C-233 que nous avons adopté plus tôt cette année, offrira enfin aux Canadiennes un cadre législatif sécuritaire pour les protéger, ainsi que leurs enfants, lorsqu’elles dénoncent leur agresseur.

Chers collègues, il est important de réintroduire dans le projet de loi C-48 l’importante mesure de renversement de la preuve et de rappeler pourquoi cette mesure est essentielle pour les victimes.

Lorsqu’un individu est accusé d’un crime lié à la violence conjugale, le fait qu’il ait été précédemment absous ne devrait pas alléger sa responsabilité dans une affaire ultérieure. En fait, une absolution précédente devrait être vue comme un avertissement pris en compte dans les décisions futures, surtout si de nouvelles accusations surviennent.

À cet égard, rappelons-nous la mort tragique de Christine St‑Onge, victime assassinée par son partenaire, Pierre Bergeron, qui bénéficiait d’une absolution préalable pour des faits de violence conjugale envers une autre partenaire. Ce cas illustre très bien la nécessité d’une vigilance accrue. L’absolution accordée dans des cas précédents peut masquer des comportements récidivistes, ce qui rend les futures conjointes vulnérables et sans défense.

En maintenant l’exclusion de cette mesure dans le projet de loi C-48, nous prenons le risque d’envoyer un message erroné : celui que, malgré des antécédents de violence, un individu pourrait se voir accorder une forme de clémence en cas de récidive. Ce n’est pas le message que nous voulons envoyer aux victimes actuelles, qui sont prisonnières du cercle vicieux de la violence conjugale. La justice doit avant tout protéger les victimes potentielles et considérer la récidive non pas comme une simple coïncidence, mais bien comme un indicateur potentiel d’un schéma comportemental répétitif, agressif et dangereux.

Pour renforcer mon argument, je veux souligner que la décision d’accorder une absolution n’est jamais prise à la légère. Un juge évalue plusieurs facteurs, dont la gravité de l’infraction et le risque de récidive. Si une récidive se produit, cela indique peut-être une évaluation initiale du risque de récidive faible concernant le délinquant ou une modification du comportement de l’accusé. Dans les deux cas, les futures conjointes sont à risque et il est primordial de revoir la façon dont ces délinquants seront traités ultérieurement.

D’ailleurs, l’adoption prochaine du projet de loi C-48, même s’il est imparfait à mes yeux, aurait dû englober toutes les formes de violence conjugale, et pas seulement celle qui est liée à l’utilisation d’une arme à feu. En effet, une grande partie des femmes assassinées au pays le sont au moyen d’une arme blanche ou par étranglement. Le projet de loi C-48 représente un pas de plus pour protéger les femmes victimes de violence conjugale. Par ailleurs, je vous rappellerais qu’en milieu rural, une femme sur trois est assassinée avec une arme à feu, mais qu’en milieu urbain, ce rapport est seulement d’une femme sur six. On constate donc que beaucoup plus de femmes sont assassinées avec une arme blanche qu’avec une arme à feu. Le danger pour ces victimes n’est donc pas la présence d’une arme à proximité, mais les antécédents de l’agresseur.

Cependant, je suis satisfait que le projet de loi C-48 ait retenu un des éléments du projet de loi S-205, que vous avez toutes et tous appuyé, soit le maintien du reversement de la preuve envers un agresseur qui récidive même s’il a obtenu une absolution conditionnelle ou inconditionnelle. Ces agresseurs récidivent et récidiveront toujours s’ils ne reçoivent pas un ordre de la cour les obligeant à suivre une thérapie.

Dans l’intervalle, ce qu’il faut espérer maintenant, c’est que les provinces développent des programmes afin de soutenir les hommes violents dans leur thérapie et dans la prise en charge de leur colère trop souvent meurtrière. J’espère par conséquent que le gouvernement fédéral répondra « présent » aux demandes financières des provinces pour soutenir les organismes qui viennent en aide aux hommes violents, comme il le fait pour soutenir les centres d’hébergement pour les victimes de violence conjugale.

Pour revenir à mon argumentaire sur l’absolution, historiquement, il a été considéré comme un grand privilège que le système judiciaire l’accorde à un prévenu reconnu coupable d’une infraction criminelle. Quand le système judiciaire accorde un tel privilège, il ne le fait pas à la légère. Il le fait en mettant toute sa confiance dans le prévenu et son comportement futur.

Aux yeux des victimes, l’absolution n’efface pas le crime commis; c’est de là que vient souvent leur grande frustration. Surtout dans les cas de violence conjugale et de violence sexuelle, l’agresseur a l’obligation d’adopter un comportement exemplaire envers les femmes.

Quand un citoyen commet un crime de la même nature que celui pour lequel il a obtenu le privilège de l’absolution, il ne trahit pas seulement son engagement; il trahit aussi la promesse qu’il a faite envers la société et envers le système judiciaire, qui lui avait accordé sa confiance. À mes yeux, une promesse rompue et une confiance perdue ne peuvent être laissées sans conséquence.

Chers collègues, sachez que je comprends et respecte les préoccupations soulevées par certains témoins, qui ont suggéré que cette mesure pourrait cibler injustement les survivants de la violence conjugale. Cependant, après une réflexion approfondie et une analyse des enjeux, je suis convaincu que le maintien de cette disposition dans le projet de loi est non seulement nécessaire, mais qu’il est aussi essentiel pour la protection des victimes potentielles de violence, et ce, pour quatre raisons.

Premièrement, il est fondamental de distinguer clairement les victimes et les auteurs de violence. Notre objectif est de prévenir la récidive chez ceux qui, après avoir bénéficié d’une absolution, se retrouvent à nouveau devant la justice pour des faits semblables. Il est impératif de comprendre que cette disposition vise spécifiquement les récidivistes.

Deuxièmement, la prévention et la protection des victimes sont au cœur de cette mesure. En inversant le fardeau de la preuve, nous mettons en place un mécanisme de précaution essentiel pour prévenir la répétition des abus. Cette barrière supplémentaire oblige les récidivistes à prouver activement que leur remise en liberté ne représente pas un danger pour la victime. Il s’agit d’une étape cruciale pour les autres victimes potentielles.

(2010)

Troisièmement, cette mesure joue un rôle dissuasif important. Elle montre que notre système de justice prend au sérieux les antécédents de violence conjugale et qu’il est prêt à prendre des mesures concrètes pour dissuader de futures infractions. Il s’agit d’un signal clair que la récidive n’est pas tolérée et que la responsabilité personnelle est une composante clé de notre justice.

Quatrièmement, en maintenant cette disposition, nous renforçons l’intégrité et la crédibilité de notre système de justice. Nous montrons que les absolutions passées ne sont pas des laissez-passer pour de futures infractions. Notre système doit rester vigilant et réactif face aux risques de récidive. Il en va de la confiance du public dans notre système de justice, de la confiance absolue des victimes en la justice — une confiance dont elles sont trop souvent privées.

Honorables sénateurs, c’est pour cette raison que vous devez être cohérents avec la décision que vous avez déjà prise il y a quelques mois quand vous avez adopté le projet de loi S-205, qui comprenait cet article, soit la décision d’appliquer une conséquence pour un récidiviste qui agresse de nouveau une conjointe ou une ex‑conjointe, même après avoir obtenu une absolution. Pour moi, la récidive doit retirer à l’accusé ce privilège qu’il a obtenu et pour lequel il a manqué à son obligation de ne pas agresser de nouveau qui que ce soit, sans quoi la notion d’absolution perdra, elle aussi, tout son sens.

Nous devons à la fois faire respecter les obligations des délinquants liées à une absolution, mais aussi renforcer l’importance de celle-ci lorsqu’elle est accordée, sans quoi la confiance des victimes et de la population sera perdue, tant lorsqu’une absolution sera accordée que lorsqu’elle ne sera pas respectée.

Pour toutes ces raisons, je vous exhorte, chers collègues, à réfléchir soigneusement à l’impact de la suppression de cette disposition. Ne pas reconnaître la gravité de la récidive dans le contexte de la violence conjugale pourrait saper non seulement la protection des victimes, mais aussi la responsabilité fondamentale que notre système judiciaire doit assurer, soit la protection des victimes. Nous avons le devoir de protéger les plus vulnérables de notre société et de veiller à ce que justice soit rendue de manière équitable, efficace et responsable.

Honorables sénatrices et sénateurs, en tant que législateurs, il est de notre devoir de garantir la sécurité et la protection de tous les citoyens et citoyennes. Réintroduire cette mesure dans le projet de loi C-48 n’est pas seulement une question de procédure légale; c’est un acte de responsabilité envers ceux qui sont vulnérables et souvent sans voix dans notre système.

Je vous exhorte donc, avec toute la conviction et l’urgence que commande cette cause, à soutenir mon amendement pour assurer la sécurité et la justice de nos concitoyens. Je vous remercie.

Motion d’amendement—Report du vote

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :

Que le projet de loi C-48, tel que modifié, ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié à nouveau à l’article 1 (dans sa version modifiée par décision du Sénat le 26 octobre 2023), à la page 2, par substitution, aux lignes 36 et 37, de ce qui suit :

« (4) L’alinéa 515(6)b.1) de la même loi est remplacé par ce qui suit :

b.1) soit d’une infraction perpétrée avec usage, tentative ou menace prétendus de violence contre son partenaire intime, s’il a été auparavant condamné ou absous en vertu de l’article 730 pour une infraction perpétrée avec usage, tentative ou menace de violence contre un partenaire intime; ».

Je vous remercie.

Des voix : Bravo!

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Est-ce que le sénateur accepterait de répondre à une question?

Le sénateur Boisvenu : Si elle vient de vous, j’accepte.

Le sénateur Gold : Merci.

Son Honneur la Présidente : Sénateur Gold, il reste très peu de temps, donc j’aimerais savoir si vous demandez quelques minutes de plus.

Le sénateur Boisvenu : Je demanderais cinq minutes de plus, s’il vous plaît.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé?

Des voix : Oui.

Le sénateur Gold : Merci, madame la Présidente. Sénateur Boisvenu, je vous remercie d’avoir mis de l’avant cette proposition pour notre considération. Nous parlons ici d’une disposition qui, dans la version originale du projet de loi C-48, visait à mieux protéger les victimes de violence conjugale. Elle a été appuyée par tous les députés à l’autre endroit, par l’Association des femmes autochtones du Canada et par tous les gouvernements provinciaux et territoriaux. D’ailleurs la procureure générale de la Colombie‑Britannique, Niki Sharma, a indiqué qu’elle écrirait au ministre de la Justice pour l’exhorter à préserver cet élément du projet de loi C-48.

Sénateur Boisvenu, pouvez-vous nous confirmer que votre amendement reprend exactement le libellé de la version initiale du projet de loi?

Le sénateur Boisvenu : Oui, il le reprend, et je vais ajouter une explication, parce que c’est un sujet un peu complexe. Il faut comprendre qu’un homme — car dans 90 % des cas, ce sont des hommes qui agressent les femmes — qui a reçu un pardon et qui agresse subséquemment une autre conjointe, lorsqu’il se présente devant un juge, si cet article n’existe pas, c’est à la Couronne de prouver que ce récidiviste est violent au point de ne pas être libéré.

Donc, si on retire ce privilège, tout récidiviste qui se présente devant la justice sera considéré de façon égale. Que vous ayez obtenu un pardon ou non, si vous agressez une autre partenaire intime, ce ne sera pas à la Couronne, mais à vous-même de faire la démonstration que vous n’êtes pas violent.

Ce qu’on dit, c’est que vous avez eu un privilège, vous avez manqué à vos obligations, donc vous êtes sur un pied d’égalité avec un homme violent qui se présente devant la justice et qui a récidivé.

[Traduction]

L’honorable Denise Batters : J’ai une brève question pour le sénateur Boisvenu. J’aimerais seulement apporter des précisions pour ceux qui ne maîtrisent pas le français et qui n’ont pas compris tout ce qui s’est dit. D’après ce que je comprends, cet amendement en particulier vise à rétablir les dispositions prévues dans une version précédente du projet de loi. La partie portant sur la réforme du système de libération sous caution pour les infractions graves s’appliquerait non seulement aux personnes qui ont été condamnées, mais aussi à celles qui ont été déclarées coupables, mais qui ont reçu l’absolution, qu’elle soit inconditionnelle ou conditionnelle. J’aimerais seulement indiquer à mes collègues que l’absolution inconditionnelle peut s’appliquer à des infractions très graves. Par exemple, en 2008, Eric Tillman, directeur général des Roughriders de la Saskatchewan, a reçu l’absolution inconditionnelle après avoir commis une agression sexuelle contre la gardienne de ses enfants. Voilà le genre d’accusations graves qui peuvent être en cause. Est-il exact de dire que c’est ce genre de cas qui serait visé et qu’il s’agit de veiller à ce que l’inversion du fardeau de la preuve en ce qui concerne la libération sous caution s’applique aux personnes ayant obtenu une absolution inconditionnelle ou conditionnelle?

[Français]

Le sénateur Boisvenu : C’est absolument vrai. On fait ici référence aux récidivistes. Mettez-vous à la place de la victime qui apprend que son agresseur, pour toutes sortes de raisons, voyage aux États-Unis. La justice lui a accordé une absolution. La victime a alors l’impression que l’individu n’a pas reçu de sentence pour l’agression qu’il a commise. La victime ressent donc de la frustration.

Cela reste un privilège que cet individu reçoit et c’est un privilège unique. Ce privilège tient à une chose : il ne doit pas récidiver.

Cet individu qui violenterait une autre conjointe et qui se retrouverait devant le même juge pourrait lui dire qu’il n’est pas un récidiviste, car il a reçu une absolution.

À mon avis, l’absolution est un privilège qui exige une obligation de ne pas récidiver. Si vous récidivez, ce privilège ne tient plus la route. Cela s’appliquera surtout dans les cas d’hommes qui sont violents à répétition. On parle donc des récidivistes qui présentent un risque pour les femmes, pas seulement les femmes agressées, mais toutes les femmes à venir.

(2020)

[Traduction]

La sénatrice Batters : J’aimerais poser une brève question complémentaire, car, à un certain moment, sénateur Boisvenu, on a traduit votre réponse en disant que cela s’appliquerait aux gens qui ont obtenu un pardon. On ne parle pas de pardon dans ce cas-ci, n’est-ce pas? On parle d’une personne qui a été déclarée coupable, mais qui, au moment de la détermination de la peine par le juge, a obtenu l’absolution.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Oui, exactement. Ce n’est pas une question de pardon. J’ai peut-être utilisé le mot, mais on parle vraiment d’une absolution. Cela n’a aucun rapport avec le pardon.

Son Honneur la Présidente : Je regrette, mais le temps alloué au débat est écoulé. Sénateur Boisvenu, y aurait-il une autre question?

Le sénateur Boisvenu : Non, je pense que nous sommes prêts à passer au vote.

Son Honneur la Présidente : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer? Nous poursuivons le débat.

[Traduction]

L’honorable Bernadette Clement : Honorables sénateurs, j’aimerais soulever deux éléments en réponse à l’amendement proposé par le sénateur Boisvenu.

Premièrement, nous avons entendu de la part de nombreux témoins qui ont comparu devant le comité qu’on manque nettement de données appuyant l’utilité de ce changement pour rendre les collectivités plus sûres. En fait, nous avons entendu le contraire, c’est-à-dire que cette inversion du fardeau de la preuve ne fonctionne pas et crée en fait des iniquités qui sont tout à fait inacceptables pour les communautés racialisées ou marginalisées.

Deuxièmement, la disposition concernant l’absolution a une incidence sur les femmes autochtones et les femmes qui sont coincées dans un cycle de violence et qui se font accuser en même temps que leur conjoint. On appelle cela la mise en accusation double. Souvent, on leur accorde une absolution.

Voilà les personnes qui seront touchées par cette inversion du fardeau de la preuve. J’ai proposé un amendement, que le comité a adopté, visant à supprimer la disposition concernant l’absolution, car c’est dans ce contexte qu’on observe une surreprésentation des femmes autochtones dans les prisons.

En août, je suis allée visiter l’Établissement pour femmes Grand Valley. C’était la première fois que je mettais les pieds dans une prison. Je connais les statistiques; je les ai entendues. Nous les avons citées dans le cadre du débat entourant le projet de loi C-5. Toutefois, quand on participe à une assemblée publique dans une prison, on constate réellement la surreprésentation. On constate que plus de la moitié des femmes rassemblées devant soi sont autochtones. On se rend compte que les statistiques sont bien réelles.

Ce que je veux dire, c’est que les témoins ne nous ont fourni aucune donnée permettant de conclure que l’inversion du fardeau de la preuve serait utile, alors qu’elle pourrait entraîner une surreprésentation encore plus marquée des femmes autochtones en milieu carcéral. Je vous remercie.

La sénatrice Batters : La sénatrice Clement accepte-t-elle de répondre à une question?

La sénatrice Clement : Oui.

La sénatrice Batters : Je vous remercie. Sénatrice Clement, n’ai-je pas raison de dire qu’en général, on ne nous a fourni aucune donnée sur ce projet de loi? Je pense que vous devez bien admettre que le gouvernement ne disposait d’aucune donnée pour justifier les dispositions du projet de loi ni cet élément en particulier.

La sénatrice Clement : Je vous remercie de vos observations, sénatrice Batters. Bien entendu, je suis d’accord avec vous. Tous les membres du comité étaient préoccupés par le fait qu’il n’y avait pas suffisamment de données ni de preuves pour justifier l’efficacité de ce projet de loi.

Les efforts que j’ai déployés pour apporter des modifications à ce projet de loi visaient à trouver un compromis, à essayer de trouver un moyen de l’améliorer — ou de le rendre moins préjudiciable —, pour les personnes qui se retrouvent en prison, notamment pour les femmes autochtones.

L’honorable Gwen Boniface : J’aimerais poser une question à la sénatrice Clement, si vous me le permettez. Merci.

Je suis toujours tiraillée par cette question parce que je sais que la raison pour laquelle nous sommes saisis de ce projet de loi sur la réforme de la mise en liberté sous caution — par opposition aux circonstances tragiques dont vous avez parlé — c’est la mort d’agents de police. Les querelles de ménage comptent parmi les problèmes les plus graves auxquels les agents de police doivent faire face. Je vous pose donc la question : est-ce que cela a été soumis au comité?

Ensuite, qu’en est-il de la deuxième victime d’un agresseur? Qu’en est-il de la troisième victime? Je comprends votre point de vue et, comme l’a dit la sénatrice Batters, je comprends que les données étaient absentes, mais je crains que nous ne soyons en train de passer à côté de la question avec le projet de loi lui-même. Le fait de retirer l’inversion du fardeau de la preuve du projet de loi ne règle pas le problème de l’incarcération massive des femmes autochtones.

La sénatrice Clement : Sénatrice Boniface, je comprends très bien votre question. C’est un point que je trouve personnellement difficile. Évidemment, je suis une avocate noire. Je suis très préoccupée par la surreprésentation des Noirs et des Autochtones dans les prisons. En même temps, chaque fois que j’écoute les nouvelles, chaque fois que j’entends au Sénat un discours — souvent prononcé par vous — saluant la vie et la mort d’un autre policier, je suis ébranlée. Cela dit, je dois me fier aux données et aux preuves dont nous avons besoin pour établir des mesures législatives qui ne sont pas seulement réactives et qui permettront vraiment de rendre les collectivités plus sûres.

Pour ce projet de loi, nous n’avons tout simplement pas entendu de preuves ou de données qui confirmeraient que ce changement améliorerait la situation pour les collectivités, les policiers et les femmes — les femmes autochtones et les femmes victimes de violence. Nous n’en avons tout simplement pas entendu.

Je comprends très bien ce que vous dites. C’est un tiraillement constant. Il n’y a pas de travail plus difficile que celui du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, mais nous devrions nous appuyer sur les données et les preuves, et nous n’en avons pas entendu dans ce cas. Je n’en ai pas vu.

La sénatrice Boniface : Je vous remercie beaucoup. Je sais que vous partagez les mêmes préoccupations que moi. Je veux un projet de loi efficace, mais je prends pour exemple des événements tels que ceux qui viennent de se produire à Sault Ste. Marie. Encore une fois, il y a une deuxième victime, une troisième victime, maintenant une quatrième victime et une cinquième victime. Je ne dis pas que cette affaire avait quelque chose à voir avec la mise en liberté sous caution, mais la violence qui habite les auteurs de tels crimes ne touche pas qu’une seule personne. Je suis surprise que le comité n’ait pas entendu de témoignages sur les récidivistes.

La sénatrice Clement : Nous n’avons pas entendu beaucoup de témoignages. Nous avons entendu le gouvernement dire qu’il faisait des efforts et qu’il commencerait à essayer de recueillir des données. Nous savons que, dans des provinces comme la Colombie-Britannique, on essaie d’investir davantage dans la collecte de données, le renforcement et le soutien des communautés, mais je ne peux pas dire que j’ai entendu des témoignages à ce sujet.

Nous avons reçu Michael Spratt, un avocat de la défense, qui a parlé de la mise en accusation double et du fait qu’une mise en accusation était particulièrement dévastatrice pour les femmes autochtones. Nous avons entendu Michael Spratt à ce sujet, mais en ce qui concerne ce dont vous parlez, je n’ai pas l’impression d’avoir entendu suffisamment de témoignages pour justifier l’affirmation selon laquelle ce projet de loi nous permettra réellement de nous sentir plus en sécurité.

L’objectif de mes deux amendements est réellement de rendre le projet de loi moins préjudiciable, si je peux me permettre de nouveau l’expression.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Accepteriez-vous de répondre à une ou deux questions?

La sénatrice Clement : Oui, absolument.

Le sénateur Boisvenu : Sénatrice Clement, vous êtes avocate. Vous devez savoir que l’application du renversement de la preuve existe déjà dans le Code criminel. Le principe du renversement de la preuve existe déjà aussi à la Commission des libérations conditionnelles lorsqu’on se trouve devant des récidivistes.

J’essaie de faire le lien entre le retrait d’un privilège à quelqu’un qui a reçu une absolution et la surpopulation des Autochtones dans les pénitenciers. Votre logique ne devrait-elle pas plutôt s’appliquer au projet de loi dans son ensemble? Même si on adopte votre amendement au projet de loi, est-ce que la surpopulation sera réduite dans les pénitenciers, alors que cela touche à peine 1 homme sur 1 000 qui reçoit une absolution?

Quel est le rapport entre votre argument selon lequel il y a trop d’Autochtones dans les prisons et l’absolution? Vous devriez plutôt inciter tous les sénateurs à voter contre le projet de loi. Il n’y a pas de rapport, à moins que vous soyez capable de faire un lien entre l’absolution et la surreprésentation des Autochtones dans les pénitenciers.

(2030)

La sénatrice Clement : Merci de votre question. Je vais me répéter : c’est vraiment la question qu’il n’y a pas de preuve que ce genre de projet de loi sera efficace pour protéger les gens. Pour moi, il n’y avait pas assez de preuves qui nous indiquent que cette loi allait fonctionner de la façon dont elle devait fonctionner. Je me répète, mais je vous dis que la preuve n’a pas été faite. La preuve que j’ai entendue, c’est qu’il y a une surreprésentation des Autochtones dans les prisons. Nous l’avons entendu lors des débats sur le projet de loi C-5, et encore une fois cette fois-ci. Je dirais que j’ai vu des preuves bien davantage d’un côté que de l’autre. Pour moi, il y a une cohérence dans tout cela.

La question des femmes autochtones est vraiment très pertinente, parce qu’elles sont assujetties à des situations de violence qui sont vraiment remarquables et difficiles. Elles se retrouvent dans des situations où elles sont reconnues coupables quand survient une dispute. Cette situation affecte plutôt les femmes autochtones et nous avons entendu des preuves à ce sujet. Pour moi, c’est une question de preuve. Je comprends votre point de vue et votre travail auprès des victimes. J’ai aussi représenté des victimes dans ma carrière d’avocate. Cependant, dans le cas qui nous occupe, je dois être guidée par la preuve qui nous est présentée en comité. Personnellement, je ne l’ai pas vue. J’ai vu un continuum de lois visant à réagir à une situation difficile dans les communautés, mais ces lois sont inefficaces, et nous n’avons pas la preuve permettant de démontrer qu’elles pourraient être efficaces.

Le sénateur Boisvenu : Je comprends donc qu’il n’y a aucun rapport entre l’absolution et la surpopulation. Toutefois, vous dites qu’il y a un rapport entre le renversement de la preuve de tout horizon et la surpopulation. Allez-vous voter contre le projet de loi?

La sénatrice Clement : Ce débat est semblable à celui auquel j’ai participé sur le projet de loi C-5; j’ai voté contre ce projet de loi. J’ai fait un cheminement et les deux amendements que j’ai proposés ont été adoptés au comité. Je suis prête à dire que si ces amendements sont là, surtout celui où l’on exigera que les juges expliquent qu’ils ont considéré la question de la surreprésentation des personnes autochtones et des personnes noires, je serai en mesure de voter en faveur de ce projet de loi. C’est pour cette raison que j’ai proposé des amendements. Je suis sénatrice pour améliorer ces lois.

C’est un cheminement personnel que j’ai fait, et c’est pour cette raison que j’ai proposé les amendements. Je veux essayer d’améliorer la situation.

L’honorable Renée Dupuis : Est-ce que la sénatrice Clement accepterait de répondre à une autre question?

La sénatrice Clement : Absolument.

La sénatrice Dupuis : Quand il a comparu devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, j’ai dit au ministre qu’il me semblait qu’il couvrait deux éléments complètement différents dans son projet de loi. La structure même du projet de loi visait à répondre à des crimes dans lesquels des policiers sont décédés. Il y avait eu une consultation avec des premiers ministres, des interventions et un consensus sur cette partie du projet de loi. Par ailleurs, un article qui apparaissait tout à coup dans le projet de loi traitait de la violence à l’endroit d’un partenaire intime. Je lui ai demandé si cela avait fait partie d’une consultation. Il m’a répondu qu’ils avaient pris quelque chose qui était dans un projet de loi présenté par un sénateur pour l’inclure dans ce projet de loi.

Lorsque les fonctionnaires ont comparu de nouveau devant le comité, j’ai encore posé la question et j’ai demandé s’il y avait eu une consultation sur cette partie du projet de loi qui n’a rien à voir avec le cœur du projet de loi, donc sur la question de la violence envers les partenaires intimes. Les fonctionnaires nous ont répondu qu’ils ne pouvaient pas nous le dire, parce que cela avait été traité par le cabinet du ministre.

Vous rappelez-vous avoir entendu cela?

La sénatrice Clement : Merci de cette question. Oui, je m’en souviens. C’était surprenant comme réponse. Cela semble soutenir mon argument selon lequel il y avait vraiment un manque de preuve, de consultations et d’informations solides pour justifier la présentation de ce projet de loi.

Pour revenir sur votre point qui concerne les provinces, on sait que ces dernières étaient tout à fait d’accord avec ce projet de loi. En même temps, on sait que les provinces doivent procéder à des investissements. On ne peut pas juste mettre un projet de loi en place et ne pas investir dans nos communautés. Nous avons entendu dire que la Colombie-Britannique allait procéder à des investissements, mais peut-être pas d’autres provinces. Une incohérence sera donc encouragée par ce débat.

Son Honneur la Présidente : Le temps accordé au débat est écoulé.

[Traduction]

L’honorable Paula Simons : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer ma collègue la sénatrice Clement, qui a présenté cet amendement, que j’ai été heureuse d’appuyer au comité.

Je pense que, pour comprendre les motifs qui sous-tendent l’amendement, nous devons comprendre pourquoi on renverserait le fardeau de la preuve dans une audience sur la mise en liberté sous caution. Il est important de comprendre que, dans un système de justice pénale fondé sur le principe de l’innocence jusqu’à preuve du contraire, l’État ne peut pas restreindre notre liberté sans raison valable.

Lors d’une audience sur la mise en liberté sous caution, il est courant que le procureur doive prouver au juge de paix ou au juge pourquoi une personne ne devrait pas être libérée sous caution, soit parce que : a) la personne présente un risque de fuite; b) sa libération constituerait un danger pour la collectivité; ou c) sa libération embarrasserait le système judiciaire et irait à l’encontre de ce que celui-ci doit faire aux yeux du public.

Ce sont là des critères élevés, mais la Couronne dispose de tous les pouvoirs de l’État pour tenter de prouver ce fait.

Lorsqu’on renverse le fardeau de la preuve, on exige de l’accusé qu’il accepte le fardeau qui incomberait normalement à l’État. Soudainement, c’est lui qui doit prouver pourquoi il devrait être libéré, parfois avec l’aide d’un avocat de service de l’aide juridique ou d’un autre avocat, parfois en se représentant lui-même. Les accusés doivent assumer eux-mêmes la responsabilité de défendre leur liberté.

La Cour suprême a établi que, dans certaines circonstances, nous sommes autorisés à inverser le fardeau de la preuve. Le projet de loi C-48 élargirait cette possibilité en augmentant le nombre de catégories où nous inversons le fardeau de la preuve. Toutefois, le projet de loi part du principe que cette mesure doit s’appliquer aux pires criminels, ceux qui représentent le plus grand danger pour notre collectivité et peut-être pour leur propre famille.

C’est pour cette raison que je me suis hérissée lorsque j’ai vu le mot « absous » dans le projet de loi. Comme nous le savons tous, je ne suis pas une avocate qui siège au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles et je suis une remplaçante.

Je veux vous lire ce que la page d’Aide juridique Ontario nous dit sur les absolutions inconditionnelles dans la loi :

L’absolution inconditionnelle est la peine pour adultes la moins sévère qu’un contrevenant peut obtenir.

Si le contrevenant reçoit une absolution inconditionnelle, un verdict de culpabilité est rendu, mais aucune condamnation n’est inscrite et le contrevenant n’est assujetti à aucune condition (c’est-à-dire une ordonnance de probation). Le contrevenant a terminé son affaire. Il n’a pas à revenir au tribunal ou à se présenter devant un agent de probation.

L’absolution inconditionnelle sera inscrite au casier judiciaire du contrevenant pendant un an après la date de l’absolution.

Je saute ensuite quelques phrases :

L’inscription sera automatiquement supprimée de son casier au bout d’un an. Le contrevenant ne doit pas présenter une demande de pardon.

Autrement dit, pour obtenir une absolution inconditionnelle, il ne doit rester à votre dossier aucune trace de la transgression passée.

(2040)

Pourquoi une personne obtiendrait-elle une absolution inconditionnelle? Cela se produit très rarement, dans les cas où le tribunal estime que la personne ne présente pas de risque de récidive, qu’elle ne représente pas un danger pour la société et qu’elle a présenté un plan pour faire amende honorable. Comme la sénatrice Clement le souligne à juste titre, c’est souvent le cas pour les femmes autochtones, parce que parfois, lorsque la police se présente à un foyer et qu’il y a de la violence conjugale, incapable de dire qui a commencé quoi ou qui était l’instigateur de la violence, la police porte souvent des accusations contre les deux parties afin de dégager la scène et de rétablir la sécurité. Il se peut aussi que la conjointe, qui était avant tout une victime, fasse l’objet d’une contre-accusation. Souvent, ces infractions sont radiées, mais ce n’est pas la seule raison pour laquelle une personne obtiendrait une absolution inconditionnelle ou conditionnelle. Une absolution conditionnelle, comme son nom l’indique, est assortie de conditions. Dans ce cas, le casier n’est pas scellé avant trois ans.

Lorsque j’ai examiné le projet de loi, je me suis dit : « D’accord. Si nous inversons le fardeau de la preuve, nous devons le faire pour les pires criminels. » Si une personne a reçu l’absolution, cela signifie que son infraction antérieure était relativement mineure et que ses actes étaient relativement compréhensibles.

Examinons maintenant l’amendement dont nous sommes saisis. On peut y lire ceci :

[...] soit d’une infraction perpétrée avec usage, tentative ou menace prétendus de violence contre son partenaire intime, s’il a été auparavant condamné ou absous en vertu de l’article 730 pour une infraction perpétrée avec usage, tentative ou menace de violence contre un partenaire intime [...]

On pourrait se retrouver avec un scénario où une femme autochtone ayant reçu une absolution inconditionnelle serait accusée de menaces de violence contre son conjoint; elle devrait alors composer avec le renversement du fardeau de la preuve pour obtenir une mise en liberté sous caution. Ce serait injuste, c’est évident. Si on entend établir le renversement du fardeau de la preuve, que ce soit pour les individus pour qui cela s’impose bel et bien, c’est-à-dire ceux qui constituent une menace reconnue pour la société et qui ont des antécédents de comportement criminel.

Permettre que le renversement du fardeau de la preuve s’applique à quelqu’un dont l’unique démêlé avec la justice s’est conclu par une absolution inconditionnelle équivaut à corrompre notre système de mise en liberté sous caution et à corrompre la présomption d’innocence. Merci beaucoup.

Le sénateur Gold : La sénatrice accepterait-elle de répondre à une question?

La sénatrice Simons : Oui.

Le sénateur Gold : Merci. Comme vous devez vous en douter, le gouvernement appuie cet amendement parce qu’il ramène le libellé du projet de loi à ce qu’il était lors de son adoption à l’autre endroit, avec l’appui de l’ensemble des provinces et des territoires, qui sont chargés de l’administration de la justice et qui en connaissent un bout en matière de sécurité publique. J’aimerais avoir votre avis au sujet de deux points qui ont été soulevés au comité.

Premièrement, voici ce que Niki Sharma, procureure générale de la Colombie-Britannique, a déclaré au comité :

[...] j’entends les témoignages de femmes vulnérables, en particulier, qui sont victimes de récidivistes violents en liberté sous caution [...] À mon avis, il y a des circonstances où le système de justice pénale vise plutôt à protéger la collectivité, et cette inversion du fardeau de la preuve en est le reflet.

J’aimerais aussi connaître votre avis au sujet de cet extrait du mémoire que l’Association des femmes autochtones du Canada a présenté au comité. On peut y lire ceci : « Il est important de les protéger de leurs agresseurs entre le moment où les accusations sont portées et l’audience. »

Comme vous le savez, il y a eu un témoignage dans la même veine selon lequel la deuxième accusation n’est souvent que la pointe de l’iceberg et que c’était probablement aussi le cas de la première accusation.

Ne craignez-vous pas que, malgré les meilleures intentions, l’élimination de cet amendement ne mette en danger des victimes vulnérables?

La sénatrice Simons : Je vous remercie, sénateur Gold. Je m’attarderai tout d’abord sur la première partie de votre question.

Mme Sharma a utilisé l’expression « récidivistes violents ». Quelqu’un qui n’a qu’une absolution inconditionnelle à son dossier ne devrait sûrement pas être considéré comme un récidiviste violent. C’est précisément ce qui me préoccupe : comme on élargit le filet, la disposition prévoyant le renversement du fardeau de la preuve ne s’appliquerait pas qu’aux récidivistes violents qui, nous en convenons tous, posent beaucoup plus de risques pour la société qu’une personne qui a obtenu une absolution inconditionnelle, par exemple.

Pour ce qui est de votre deuxième point, de toute évidence, je suis préoccupée par les niveaux horriblement élevés de violence familiale qui existent au Canada, une violence qui est surtout perpétrée par des hommes à l’endroit de femmes et qui touche les Autochtones de façon disproportionnée. Il faut toutefois éviter de pécher par excès de zèle. Il est nécessaire de bâtir le régime de mise en liberté sous caution de manière à protéger les femmes qui, selon des allégations, auraient été maltraitées par leur partenaire, mais il ne faut pas pour autant avoir recours à l’inversion du fardeau de la preuve, un outil tout sauf nuancé qui ne fait pas de distinctions.

À titre d’exemple, si un homme est accusé d’avoir agressé sa conjointe, ce serait beaucoup plus bénéfique qu’il ait accès à un programme d’hébergement pour les mises en liberté sous caution et qu’il soit soumis à une forme de supervision. Les problèmes se produisent quand les gens sont libérés sans conditions ou avec des conditions impossibles à respecter, et lorsque les gens qui sont libérés ont le choix entre vivre dans la rue ou retourner dans le milieu familial où la violence s’est produite.

Bien sûr, il faut trouver des moyens de protéger les femmes contre un partenaire violent chez elles. Je ne vois pas comment l’inversion du fardeau de la preuve dans le cas d’une personne qui a bénéficié d’une libération conditionnelle ou inconditionnelle nous permettrait d’y arriver.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : La sénatrice accepterait-elle de répondre à une question?

La sénatrice Simons : Oui.

Le sénateur Boisvenu : Honorables sénateurs, je pense qu’il y a une mise au point importante qui doit être faite. Nous étudions un projet de loi qui concerne la violence conjugale lorsqu’une arme à feu est impliquée. Ce n’est pas pour tous les cas de violence conjugale, c’est seulement lorsque cette violence est commise au moyen d’une arme à feu.

Madame la sénatrice, ne considérez-vous pas que, lorsqu’une femme est agressée, si l’homme — l’agresseur — a utilisé une arme à feu, on se trouve devant un des cas les plus violents?

La sénatrice Simons : C’est absolument vrai, sénateur.

[Traduction]

Nous avons vu partout au pays, plus récemment avec le rapport de la Commission des pertes massives, que trop souvent, les cas de violence familiale se répercutent dans l’ensemble de la collectivité, qu’il s’agisse d’agressions contre des agents de police ou d’autres premiers intervenants ou d’agressions contre la collectivité en général.

Lorsque j’étais journaliste, j’ai longtemps soutenu que la violence familiale était un crime non seulement contre les membres de la famille, mais aussi contre toute la collectivité. En effet, je suis fière d’avoir fait des pieds et des mains pour parler, à titre de journaliste, des cas de meurtre suivi d’un suicide, où, souvent, les noms de l’agresseur et de la victime étaient gardés secrets par la police parce que je soutenais qu’il s’agissait d’une agression contre toute la collectivité.

J’appuie sans réserve vos efforts, monsieur, pour lutter contre la violence familiale. Je suis impressionnée par certains de vos combats et ce que vous avez accompli en tant que sénateur.

En tant que journaliste, j’ai couvert ces sujets pendant des années. Cependant, comme l’aurait dit notre regrettée collègue Elaine McCoy, nous nous attaquons aux mauvaises cibles. Si nous voulons assurer la sécurité des familles, il existe de bien meilleures solutions que de traiter comme les pires délinquants des personnes dont les seuls démêlés avec le système pénal se sont soldés par une absolution inconditionnelle.

Axons nos efforts sur les personnes qui présentent le risque le plus important et évitons de traiter comme des criminelles les femmes, souvent autochtones, qui finissent par être accusées et se retrouvent submergées par les événements.

La sénatrice Batters : Sénatrice Simons, dans votre discours, vous avez surtout parlé de l’absolution inconditionnelle. Reconnaissez-vous que l’absolution conditionnelle est aussi incluse dans ce même cadre et que, par conséquent, cela éliminerait aussi l’absolution conditionnelle? Comme vous le savez sûrement, compte tenu du genre de causes dont vous avez parlé dans vos reportages, l’absolution conditionnelle peut comprendre une interdiction de posséder une arme à feu ou d’autres armes, une ordonnance de probation et une ordonnance d’interdiction de contact pour ce genre de violence interpersonnelle, ce qui est très fréquent, et il peut évidemment y avoir plus d’une condition.

Par ailleurs, l’absolution implique une déclaration de culpabilité, et l’absolution est le type de sanction choisi par le juge. Ce n’est pas du tout mauvais. La personne est déclarée coupable de l’infraction criminelle, et c’est simplement la sanction qui est choisie.

La sénatrice Simons : C’est très juste, sénatrice Batters, et je vous dirais que le juge a tout à fait le droit de refuser la mise en liberté sous caution à cette personne. Si une personne a obtenu une absolution inconditionnelle ou — vous avez raison — une absolution conditionnelle, ce qui laisse entendre qu’il y avait plus de conditions rattachées et que les circonstances étaient peut-être plus graves, je ne recommande pas qu’elle soit automatiquement mise en liberté sous caution. Le procureur a toujours le pouvoir de s’opposer à la mise en liberté sous caution. Le juge, lui, a toujours le pouvoir de la refuser.

(2050)

Ce que je recommande, c’est d’utiliser seulement les dispositions de l’inversion du fardeau de la preuve dans les circonstances les plus graves. Si nous étendons la portée de ces dispositions, nous pourrions accidentellement viser des gens qui n’auraient jamais dû être ciblés par cette mesure législative. Je ne dirais jamais qu’une personne ayant commis un crime violent avec une arme à feu devrait automatiquement être mise en liberté sous caution parce que, par exemple, elle a reçu une absolution conditionnelle. Je dis seulement qu’il faut uniquement recourir à la disposition de l’inversion du fardeau de la preuve dans des circonstances très particulières, à savoir lorsque c’est le plus nécessaire et le plus approprié.

Le sénateur Gold : Sénatrice Simons, vous avez dit à quelques occasions que vous vous opposez à l’inversion du fardeau de la preuve lorsque c’est l’unique démêlé du prévenu avec la justice. Or, comme l’a entendu le comité et comme le montrent en général les statistiques, bien souvent, la violence contre un partenaire intime n’est pas signalée. Il y a des victimes qui retirent leurs plaintes, et ce ne sont pas tous les cas qui mènent au dépôt de chefs d’accusation.

Comment conciliez-vous votre opposition et le fait que, de toute évidence, les femmes sont souvent victimes de violence pendant longtemps avant que les forces de l’ordre interviennent, sans compter que les risques augmentent une fois que des accusations ont été portées?

Son Honneur la Présidente : Le temps prévu pour le débat est écoulé.

La sénatrice Simons : Puis-je demander plus de temps pour répondre à cette question seulement? Je crois que cela suffira.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé?

Des voix : D’accord.

La sénatrice Simons : Comme je l’ai dit, notre pays a des lois sur la mise en liberté sous caution qui permettent aux procureurs de la Couronne d’exiger que le juge n’accorde pas la mise en liberté sous caution. Nous avons des juges et des juges de paix qui ont le pouvoir de refuser la mise en liberté sous caution. Je ne m’oppose pas à cela.

J’essaie de faire valoir qu’il faut veiller à ce que les dispositions prévoyant l’inversion du fardeau de la preuve — qui sont vraiment extraordinaires — ne soient utilisées que dans les cas les plus extraordinaires.

Si nous voulons régler les problèmes que vous évoquez, eh bien, il est assez difficile de condamner des personnes pour des crimes dont elles n’ont jamais été accusées. Si nous voulons fournir plus de ressources aux refuges pour femmes dans tout le pays, faisons-le. Si nous voulons fournir plus de conseils juridiques et d’aide juridique, plus de financement pour les programmes d’aide juridique aux familles afin que les femmes qui cherchent à se séparer de leur partenaire et qui cherchent une protection contre la violence familiale puissent en bénéficier, je suis tout à fait d’accord.

Je pourrais énumérer 20 politiques publiques qui contribueraient à réduire la violence familiale beaucoup plus efficacement que cela.

Son Honneur la Présidente : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente : À mon avis, les non l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur la Présidente : Je vois deux sénateurs se lever. Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

La sénatrice Seidman : Le vote est reporté à la prochaine séance du Sénat.

Son Honneur la Présidente : Conformément à l’article 9-10 du Règlement, le vote aura lieu à 16 h 15, à la prochaine séance du Sénat, et la sonnerie retentira à compter de 16 heures.

L’étude des questions concernant les droits de la personne en général

Autorisation au Comité des droits de la personne de remplacer le sixième rapport sur son étude avec une version corrigée

L’honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat, je demande :

Que le sixième rapport provisoire du Comité sénatorial permanent des droits de la personne intitulé Combattre la haine : l’islamophobie et ses répercussions sur les musulmans au Canada, déposé auprès du greffier du Sénat le 2 novembre 2023, soit remplacé avec une version corrigée.

La version précédente avait par inadvertance mal attribué une citation, et la version corrigée rectifie cette erreur.

Nous offrons nos excuses au témoin pour cette erreur regrettable.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

La Loi sur les compétences linguistiques

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Carignan, c.p., appuyée par l’honorable sénateur Housakos, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-229, Loi modifiant la Loi sur les compétences linguistiques (lieutenant-gouverneur du Nouveau-Brunswick).

L’honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, je constate que cet article en est à son 15e jour; par conséquent, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 4-15(3) du Règlement, je propose l’ajournement du débat pour le reste du temps de parole dont le sénateur Dalphond dispose.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(Le débat est ajourné.)

Projet de loi sur le réseau de digues de l’isthme de Chignecto

Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Quinn, appuyée par l’honorable sénatrice Verner, c.p., tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-273, Loi déclarant le réseau de digues de l’isthme de Chignecto et ses ouvrages connexes comme étant des ouvrages à l’avantage général du Canada.

L’honorable Mary Coyle : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à partir du territoire non cédé de la nation algonquine anishinabe pour discuter d’un projet de loi qui aurait des répercussions sur Mi’kma’ki, le territoire non cédé du peuple mi’kmaq, et, en fait, sur les terres et les peuples de l’ensemble du Canada et de l’Amérique du Nord.

(2100)

J’interviens dans le débat à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi S-273, Loi déclarant le réseau de digues de l’isthme de Chignecto et ses ouvrages connexes comme étant des ouvrages à l’avantage général du Canada, qui a été présenté par le sénateur Quinn.

Nous avons entendu deux excellents discours sur ce projet de loi de la part de deux sénateurs du Nouveau-Brunswick : le parrain du projet de loi, le sénateur Quinn...

[Français]

— et son frère acadien, le sénateur Cormier.

[Traduction]

J’ai donc pensé qu’il était temps que la Chambre entende quelqu’un de l’autre côté de l’isthme de Chignecto.

Chers collègues, Steve Murphy, envoyé spécial de CTV News en Nouvelle-Écosse, a lancé la discussion sur ce sujet crucial d’une manière unique et convaincante. Il a déclaré ce qui suit :

L’unité nationale est une question qui revient constamment depuis que le Canada est devenu un pays, il y a 156 ans. Préserver l’unité nationale au moyen d’accommodements politiques est un défi que les gouvernements doivent relever depuis des générations.

Cependant, en 2023, l’unité nationale du Canada se trouve confrontée à un problème d’une ampleur inédite. Si l’on entend parler depuis longtemps de l’effondrement de notre pays au sens figuré, nous sommes aujourd’hui confrontés à la perspective d’un effondrement de celui-ci au sens propre.

Les ondes de tempête et l’élévation du niveau de la mer menacent de submerger l’isthme de Chignecto, cette mince bande de terre marécageuse [...] qui relie la péninsule de la Nouvelle-Écosse au continent nord-américain.

Il conclut ses propos comme ceci :

Seule province reliée au reste du pays par une mince bande de terre vulnérable, la Nouvelle-Écosse est donc la seule province à être confrontée à cette menace existentielle. Il s’agit donc d’une question d’ordre national. Le gouvernement national a la responsabilité morale, au nom de tous les contribuables, de préserver l’unité du pays, au sens figuré comme au sens propre.

Avant de revenir sur la question de savoir qui est responsable de préserver l’unité nationale et d’en assumer le coût, jetons un coup d’œil sur cette « mince bande de terre vulnérable ».

En raison de son emplacement central, l’isthme de Chignecto est depuis longtemps un important corridor de transport. Si vous vous êtes déjà rendus en Nouvelle-Écosse à bord d’un véhicule, vous avez traversé l’isthme. En fait, en franchissant l’isthme, vous êtes déjà arrivés en Nouvelle-Écosse.

Il y a environ 12 000 ans, après le retrait des glaciers qui recouvraient les Maritimes, l’isthme était l’une des deux voies terrestres menant à la péninsule de la Nouvelle-Écosse à l’époque. L’autre se trouve aujourd’hui sous les eaux de l’océan Atlantique.

Les marais de l’isthme ont une longue histoire d’occupation humaine. Pendant au moins 5 000 ans avant l’arrivée des Européens, les Premières Nations mi’kmaqs s’y réunissaient pour se rencontrer, pêcher et chasser la sauvagine, l’orignal, l’ours et le porc-épic. Le nom « Chignecto » tire son origine du mot mi’kmaq Siknikt, qui se traduit par « lieu de drainage », en référence à la grande zone marécageuse.

L’isthme ne fait que 21 kilomètres de large à son point le plus étroit et sépare deux grandes étendues d’eau. D’un côté, il y a la baie de Chignecto, un sous-bassin de la baie de Fundy, qui connaît, comme on le sait, les plus grandes marées au monde. De l’autre côté, il y a le détroit de Northumberland, un bras du golfe du Saint‑Laurent dans l’océan Atlantique. Les rivières et les ruisseaux de l’isthme constituaient une voie de transport pour les Mi’kmaqs et, plus tard, pour les Acadiens et les Britanniques qui voyageaient entre la baie de Fundy et le détroit de Northumberland.

La partie la plus large de l’isthme s’étire sur une distance d’environ 24 kilomètres entre Tantramar, au Nouveau-Brunswick — Tantramar est une municipalité qui a été créée cette année lorsque la municipalité de Sackville et le village de Dorchester ont fusionné —, et Amherst, en Nouvelle-Écosse. Cette partie est de plus en plus vulnérable aux graves répercussions des changements climatiques. D’ailleurs — et je ne le savais pas avant de commencer mes recherches —, déjà 16 années se sont écoulées depuis qu’un rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat des Nations unies a mis en évidence le risque croissant que pose l’élévation du niveau de la mer pour les infrastructures de l’isthme de Chignecto au même titre que celles de la ville de La Nouvelle-Orléans.

Chers collègues, nous sommes tous conscients des ravages causés par l’ouragan Katrina à La Nouvelle-Orléans, en 2005, lorsque l’onde de tempête a provoqué 23 brèches dans le canal de drainage, les digues du canal et les murs de protection contre les crues de la ville.

L’isthme de Chignecto n’est pas très peuplé, contrairement à la ville de La Nouvelle-Orléans. Toutefois, comme nous l’a dit le sénateur Quinn, il s’agit d’un corridor commercial vital qui est essentiel à la prospérité économique du Canada et qui est traversé par la ligne de chemin de fer du CN, la Transcanadienne, des lignes de télécommunications et des lignes de fibres optiques liées à des câbles transatlantiques. Bien sûr, c’est aussi un endroit où se trouvent des terres agricoles, des parcs d’éoliennes, d’importants corridors naturels pour la faune ainsi que des populations humaines, autant d’éléments qui doivent être pris en considération.

Le sénateur Cormier nous a rappelé ceci à propos de l’isthme :

Le réseau de digues et des aboiteaux [le] protégeant depuis des siècles [...] des grandes marées de la baie de Fundy [...] occupe une place historique et culturelle particulière dans l’imaginaire collectif des habitants de cette région, notamment des peuples autochtones et du peuple acadien.

Dans son témoignage devant le Comité sénatorial permanent des transports et des communications dans le cadre de l’étude sur l’incidence des changements climatiques sur les infrastructures essentielles, Rob Taylor, sous-ministre au ministère des Transports et de l’Infrastructure du gouvernement du Nouveau-Brunswick, a déclaré ceci :

Les effets des changements climatiques — en particulier les ondes de tempête et l’augmentation du niveau de la mer — constituent un risque pour les infrastructures situées dans l’isthme. Potentiellement, 38 kilomètres de digues, 19 kilomètres de la route transcanadienne et 19 kilomètres de la voie ferrée du CN pourraient être gravement touchés par des inondations à la suite d’un phénomène climatique dans un avenir proche.

Il a ensuite cité des données régionales pertinentes concernant des hausses déjà documentées du niveau de la mer, y compris une hausse de 27 centimètres à Saint John, au Nouveau-Brunswick, depuis 1961; une hausse de 21 centimètres à Yarmouth, en Nouvelle-Écosse, depuis 1966; et une hausse de 19 centimètres à Halifax depuis 1961.

Il a ajouté : « Le Canada atlantique s’attend à une hausse du niveau de la mer d’un mètre d’ici 2100, et de deux mètres ou plus d’ici 2150. »

C’est grave.

Il a conclu ainsi son témoignage :

Nous souhaitons souligner, comme l’ont fait d’autres témoins avant nous et les experts en climatologie, que la question n’est pas de savoir si les infrastructures de l’isthme de Chignecto seront touchées par un phénomène climatique, mais quand cela se produira. Nous devons nous attaquer à ce risque dès maintenant, d’autant plus qu’il faudra jusqu’à 10 ans pour mettre en place une solution technique.

Chers collègues, où en sommes-nous maintenant, et quelles sont les prochaines étapes dans ce dossier concernant l’« unité nationale »?

La Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick et le gouvernement fédéral ont commandé une étude qui a donné lieu à un rapport technique et de faisabilité. Publié en 2022, ce rapport se concentre principalement sur les solutions techniques possibles pour protéger le corridor de transport.

Dans une émission midi diffusée récemment à la radio de CBC/Radio-Canada sur le sujet de l’isthme de Chignecto — où notre collègue avait appelé —, Mme Danika van Proosdij, de l’Université Saint Mary’s, a dit craindre que le rapport technique ne tienne pas compte de la durabilité, de la protection des marécages ou des facteurs archéologiques. Elle a donné l’exemple du système de digues situé à la frontière entre les Pays-Bas et la Belgique, où les infrastructures ont été réaménagées afin d’augmenter la sûreté et la sécurité des terres agricoles et de rétablir de nombreux marais côtiers avec des solutions fondées sur la nature — un aspect important de la réponse pour renforcer la résilience climatique.

Après une réunion qui s’est tenue à Mill River, à l’Île-du-Prince-Édouard, en juin dernier, les quatre premiers ministres de l’Atlantique ont publié la déclaration suivante :

L’isthme de Chignecto, qui relie le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse, est une voie d’accès essentielle que la hausse du niveau de la mer met en péril. Les premiers ministres des provinces de l’Atlantique ont rappelé que la Constitution oblige le gouvernement fédéral à maintenir un lien entre les provinces et à financer entièrement le projet.

La même fin de semaine où les premiers ministres provinciaux se réunissaient à l’Île-du-Prince-Édouard, David Kogon, maire d’Amherst, en Nouvelle-Écosse, a organisé un caucus des maires de l’Atlantique. Les maires ont publié leur propre déclaration demandant des mesures immédiates à l’égard de l’isthme de Chignecto. Dans la déclaration, le groupe :

[...] exhorte la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick et le gouvernement du Canada à créer immédiatement un comité directeur chargé de diriger les travaux nécessaires à la mise à niveau ou au remplacement de l’infrastructure de protection de l’isthme de Chignecto.

(2110)

Il a également affirmé que le comité directeur de l’isthme doit comprendre des dirigeants municipaux des quatre provinces de l’Atlantique.

Chers collègues, le projet de loi d’intérêt public du Sénat du sénateur Quinn, le projet de loi S-273, invoquerait le paragraphe 92(10) de la Constitution, qui permet au gouvernement fédéral d’assumer la compétence des entreprises d’intérêt national.

Le sénateur nous rappelle que cela a été fait lorsque le gouvernement fédéral a financé le nouveau pont Champlain à Montréal ainsi qu’un nouveau pont international vers les États‑Unis, à Windsor.

Nous savons qu’en raison des fortes pressions exercées par l’approche « utilisé ou perdu » du ministre fédéral LeBlanc, la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick ont présenté à contrecœur une demande au Fonds d’atténuation et d’adaptation en matière de catastrophes du fédéral pour l’isthme de Chignecto, sur une base de partage des coûts. C’est sur ce dernier point que les provinces n’étaient pas d’accord. Au même moment, elles ont demandé à la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse de déterminer si Ottawa a la responsabilité exclusive d’entretenir les digues et autres structures. On estime que les coûts se situeront entre 400 et 650 millions de dollars. Le premier ministre du Nouveau‑Brunswick, M. Higgs, a envoyé au ministre LeBlanc une lettre dans laquelle il cite les paragraphes 91(29) et 92(10) de la Constitution, indiquant que le transport interprovincial est la seule compétence du gouvernement fédéral.

Honorables collègues, comme vous pouvez probablement le constater, je ne suis pas constitutionnaliste. Alors, même si j’applaudis l’initiative de mon collègue, le sénateur Quinn, qui a parrainé le projet de loi S- 273, je ne peux pas honnêtement dire s’il s’agit du meilleur mécanisme pour susciter les mesures requises dans ce dossier d’importance nationale. Cependant, je suis tout à fait d’avis que ce projet de loi controversé sur la question cruciale de l’isthme de Chignecto mérite de faire l’objet d’une étude attentive en comité.

En septembre dernier, après le passage de la tempête post‑tropicale Lee qui a refait faire des cauchemars remplis de dangers, d’ouragans et d’anxiété aux habitants de la région, M. Andrew Black, le maire de la ville frontalière de Tantramar au Nouveau‑Brunswick, a déclaré ceci :

Il semble qu’à chaque grosse tempête qui nous frappe, nos concitoyens sont de plus en plus inquiets [...] Vous savez, est‑ce que ce sera la tempête [où les digues seront emportées par la marée haute dans la baie de Fundy et] qui nous coupera de la Nouvelle-Écosse?

Le maire Black et son homologue de l’autre côté de l’isthme, le maire David Kogon d’Amherst, en Nouvelle-Écosse, sont les principaux défenseurs du projet de protection contre les inondations. Ils s’attachent à faire en sorte que le projet soit achevé le plus rapidement possible et ne s’intéressent pas aux désaccords sur la question de savoir qui pourrait le financer.

Honorables collègues, il est urgent pour les maires Kogon et Black, ainsi que pour tous les habitants de leurs collectivités et des provinces voisines, de passer à l’action pour bâtir un avenir résilient au changement climatique pour l’isthme de Chignecto, qui est très vulnérable. Bien sûr que ce l’est.

En conclusion, chers collègues, je répéterai ce que le journaliste Steve Murphy nous rappelle, quel que soit la province ou le territoire que nous représentons dans cette enceinte.

Honorables collègues, il est en fait essentiel d’assurer la solidité, la protection et la durabilité de l’isthme de Chignecto pour que notre pays, le Canada, reste uni — littéralement.

Chers collègues, renvoyons le projet de loi au comité et discutons de la meilleure façon de préserver l’unité du pays.

Wela’lioq.

L’honorable Brent Cotter : Honorables sénateurs, en tant que sénateur qui appuie, comme le sénateur Quinn, l’unité nationale, je prends la parole pour appuyer le projet de loi S-273, Loi déclarant le réseau de digues de l’isthme de Chignecto et ses ouvrages connexes comme étant des ouvrages à l’avantage général du Canada. Je souscris aux observations de la sénatrice Coyle et d’autres sénateurs, qui font valoir qu’il est judicieux, sur le plan constitutionnel, de procéder au moyen d’une telle déclaration pour amener le gouvernement fédéral à s’engager dans un projet très important pour l’unité nationale.

J’aimerais, si possible, aborder les choses un peu différemment.

Honorables collègues, pendant les prochaines minutes, je vous invite à m’accompagner dans un voyage imaginaire. Imaginons‑nous, si vous le voulez bien, à l’été 2043, dans 20 ans. Nous sommes dans les Maritimes et nous apercevons un couple en vacances qui traverse le Nouveau-Brunswick. Comme par magie, nous pouvons entendre leur conversation.

Le couple se trouve dans l’Est du Nouveau-Brunswick. La conductrice dit à son partenaire : « Bon, est-ce qu’on se dirige vers le nord pour aller à l’Île-du-Prince-Édouard en traversant le pont de la Confédération? » Son partenaire répond : « Non, on avait convenu de continuer vers l’est et d’emprunter le nouveau pont dispendieux pour aller à l’île de la Nouvelle-Écosse. » « D’accord, c’est bon », dit la conductrice.

« Alors que je faisais le plein... » Désolé, nous sommes en 2043. « Alors que je rechargeais la voiture, le préposé m’a dit que le nouveau pont vers l’Île-du-Prince-Édouard avait surtout été construit pour les habitants de la Nouvelle-Écosse, ce qui explique qu’il porte le nom de pont Brian Mulroney-Allan J. MacEachen, ou le pont Mulroney-MacEachen. Le préposé m’a dit que les gens de la région le surnomment le pont Eminem, et, pour un libéral ou un conservateur, il est à la fois magnifique et affreux. »

Le partenaire de la conductrice dit : « En fait, je me souviens de quelque chose à propos de ce pont. Un ancien sénateur, Jim Quinn, qui vit maintenant ses vieux jours, avait des idées différentes pour cette région. En fait, il y a 20 ans, lorsqu’il était sénateur et qu’il a présenté ces idées, certains disaient qu’il en était déjà à ses vieux jours. Il s’est plutôt révélé un visionnaire.

Avant que la Nouvelle-Écosse devienne une véritable île, précise son interlocutrice, toute la région était connue sous le nom d’isthme de Chignecto.

Je vais le répéter : l’isthme de Chignecto. Ce doit être l’un des mots les plus difficiles à prononcer. On dirait que la moitié des consonnes de l’alphabet se bousculent dans la gorge.

Enfin, dit-elle, j’ai lu sur l’isthme de Chignecto et sur le fait qu’il reliait la Nouvelle-Écosse au reste du pays avant d’être submergé par les eaux provenant de la baie de Fundy et du détroit de Northumberland. »

Je vous ramène maintenant au présent : à la fin de l’été, ma conjointe Elaine et moi avons pris de courtes vacances au Nouveau‑Brunswick. C’était spectaculaire. Je prépare le terrain pour ma future carrière à l’office du tourisme du Nouveau‑Brunswick. Plus sérieusement, alors que nous traversions l’isthme de Chignecto, de la Nouvelle-Écosse au Nouveau-Brunswick, et que l’eau se rapprochait des deux côtés, ma conjointe a dit : « Il y a péril en la demeure. »

Je crois qu’elle a raison et, comme vous l’ont dit la sénatrice Coyle et d’autres, nous ne sommes pas les seuls.

L’isthme de Chignecto est situé légèrement au-dessus du niveau de la mer. Actuellement, tout ce qui protège — et c’est un bien grand mot — les municipalités, mais aussi les infrastructures, les terrains privés et les ressources naturelles contre la montée du niveau de la mer est un réseau de digues qui datent de la fin des années 1600.

Or, j’ai l’impression qu’il ne reste plus grand-chose de ce réseau de digues. En effet, il m’a semblé que la voie ferrée surélevée était le principal ouvrage de protection sur l’ensemble de ce territoire.

Comme nous l’avons entendu, la route Transcanadienne qui le traverse est une route touristique de premier plan qui facilite les déplacements des touristes qui visitent la Nouvelle-Écosse et Terre‑Neuve.

L’année dernière, la Nouvelle-Écosse a accueilli 1,9 million de visiteurs; 1,2 million de ces visiteurs sont venus par cette route — soit presque la totalité d’entre eux. Plus important encore, le centre de santé Izaak Walton Killam, dont on n’a pas vraiment parlé, qui se trouve à Halifax, offre des soins aux jeunes, aux enfants et aux femmes des Maritimes, de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau‑Brunswick, de l’Île-du-Prince-Édouard et au-delà. C’est le plus grand centre de soins aux enfants, aux jeunes et aux adolescents et le seul centre de traumatologie pédiatrique de niveau 1 à l’est du Québec. Les urgences du centre enregistrent environ 29 000 visites de patients chaque année et 5 000 bébés viennent au monde au centre chaque année. Ce fut le cas de ma fille, il y a de nombreuses années.

L’isthme de Chignecto est reconnu dans la région, au pays et à l’internationale comme étant un corridor crucial pour la faune. Il constitue le seul lien terrestre entre la Nouvelle-Écosse et le reste de l’Amérique du Nord, comme on l’a déjà souligné. Pour la protection et la santé future de l’environnement dans l’ensemble de cette zone, il est essentiel que les animaux et les plantes puissent circuler grâce à ce corridor, qui a un rôle crucial à jouer pour le maintien à long terme de populations d’animaux sauvages en bonne santé.

(2120)

Comme vous avez pu l’entendre, il s’agit d’une voie de transport essentielle. Selon les estimations, la valeur des marchandises transportées par ce corridor et les revenus que produit l’activité du corridor atteignent 35 milliards de dollars par année. Quand l’isthme doit fermer pendant un certain temps à cause d’un phénomène météorologique extrême, cette fermeture entraîne des pertes substantielles qui sont d’ordre financier et social et qui, parfois, ont une incidence sur la santé.

Comme vous pouvez le constater, il existe des arguments convaincants qui militent pour la préservation de l’isthme de Chignecto d’un point de vue économique, social, environnemental et, pour ainsi dire, du point de vue de l’unité nationale. En effet, le seul argument qui me semble pouvoir justifier l’idée de laisser la nature suivre son cours est que nous pourrons peut-être un jour ne plus avoir à prononcer les mots « isthme de Chignecto ». Cependant, pour toutes les autres bonnes raisons qui existent, notamment le fait de donner à notre gouvernement national le pouvoir de défendre concrètement l’unité nationale et le respect de toutes les régions du pays, je suis tout à fait disposé à continuer d’employer le terme « isthme » dans l’intérêt des Néo-Écossais et de l’ensemble de notre pays.

J’espère que vous partagerez mon point de vue. Même si cela nous oblige à nous exercer à prononcer ce mot, nous ne nous en porterons que mieux. Je vous remercie de votre attention.

L’honorable Colin Deacon : Accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Cotter : Certainement.

Le sénateur C. Deacon : Merci, sénateur Cotter et sénatrice Coyle, de vos excellents discours.

Pour ma gouverne et celle des autres sénateurs, pourriez-vous répéter quand les premières digues ont été construites dans l’isthme de Chignecto afin que nous entendions clairement cette date?

Le sénateur Cotter : Selon les résultats des recherches qui m’ont été fournis, leur construction remonte à la fin des années 1600. Je pense qu’elles se sont légèrement détériorées depuis.

(Sur la motion du sénateur MacDonald, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur le Mois du patrimoine arabe

Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Gold, c.p., appuyée par l’honorable sénatrice Gagné, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-232, Loi instituant le Mois du patrimoine arabe.

L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat, je voudrais que le débat soit ajourné à mon nom.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(Le débat est ajourné.)

La Loi concernant le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement

Déclaration d’intérêts personnels

L’honorable Scott Tannas : Honorables sénateurs, je, le sénateur Scott Tannas, déclare que je pense avoir des intérêts personnels qui pourraient être touchés par le projet de loi C-282, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement (gestion de l’offre), dont est saisi actuellement le Sénat.

D’une manière générale, mes intérêts personnels viennent du fait que je suis membre et président du conseil d’administration de Foothills Creamery, un fabricant de beurre et d’une délicieuse crème glacée. Cette entreprise privée fabrique des produits laitiers pour des points de vente répartis dans l’ensemble du Canada. L’entreprise appartient à la Western Investment Company of Canada, dont je suis le président, le chef de la direction et un important actionnaire.

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, le sénateur Tannas a fait une déclaration d’intérêts personnels à l’égard du projet de loi C-282, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement (gestion de l’offre) et, conformément à l’article 15-7 du Règlement, la déclaration sera inscrite dans les Journaux du Sénat.

[Français]

Bibliothèque du Parlement

Premier rapport du comité mixte—Ajournement du débat

Le Sénat passe à l’étude du premier rapport du Comité mixte permanent de la Bibliothèque du Parlement, intitulé Mandat et quorum du comité, présenté au Sénat le 20 juin 2023.

L’honorable Mohamed-Iqbal Ravalia propose que le rapport soit adopté.

(Sur la motion du sénateur Housakos, le débat est ajourné.)

[Traduction]

Finances nationales

Motion tendant à autoriser le comité à étudier une feuille de route pour une politique économique et sociale post-pandémie en vue d’aborder les coûts humains, sociaux et financiers occasionnés par la marginalisation et l’inégalité économiques—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Pate, appuyée par l’honorable sénatrice Duncan,

Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à examiner, afin d’en faire rapport, une feuille de route pour une politique économique et sociale post-pandémie en vue d’aborder les coûts humains, sociaux et financiers occasionnés par la marginalisation et l’inégalité économiques, dès que le comité sera formé, le cas échéant;

Que, vu les appels à l’action des autorités compétentes autochtones, provinciales, territoriales et municipales, le comité examine en particulier des approches potentielles nationales pour une collaboration intergouvernementale afin de mettre en œuvre un revenu de base de subsistance garanti;

Que le comité soumette son rapport final au plus tard le 31 décembre 2022.

L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, je demande le consentement pour qu’on reprenne le compte des jours à zéro concernant cet article à mon nom.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(Le débat est ajourné.)

Peuples autochtones

Motion tendant à autoriser le comité à étudier les effets de la fraude d’identité sur la marginalisation accrue des peuples autochtones—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice McCallum, appuyée par l’honorable sénateur Campbell,

Que le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, la fausse représentation de l’ascendance autochtone, les normes d’auto‑identification inadéquates et les effets profonds que cette fraude d’identité a sur la marginalisation accrue des peuples autochtones, en particulier les femmes autochtones;

Que le comité soumette son rapport final au Sénat au plus tard le 31 décembre 2023.

(Sur la motion du sénateur Housakos, le débat est ajourné.)

Pêches et océans

Autorisation au comité de reporter la date du dépôt de son rapport final sur l’étude sur les populations de phoques

L’honorable Bev Busson, conformément au préavis donné le 31 octobre 2023, propose :

Que, nonobstant l’ordre du Sénat adopté le mardi 4 octobre 2022, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans concernant son étude sur les populations de phoques au Canada ainsi que leurs impacts sur les pêches au Canada soit reportée du 31 décembre 2023 au 31 mars 2024.

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

(À 21 h 30, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures demain.)

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